La Marche à l’amour

tu es mon amour

ma clameur mon bramement

tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers

ma danse carrée des quatre coins d’horizon

le rouet des écheveaux de mon espoir

tu es ma réconciliation batailleuse

mon murmure de jours à mes cils d’abeille

mon eau bleue de fenêtre

dans les hauts vols de buildings

mon amour

de fontaines de haies de ronds-points de fleurs

tu es ma chance ouverte et mon encerclement

à cause de toi

mon courage est un sapin toujours vert

et j’ai du chiendent d’achigan plein l’âme

 tu es belle de tout l’avenir épargné

d’une frêle beauté soleilleuse contre l’ombre

ouvre-moi tes bras que j’entre au port

et mon corps d’amoureux viendra rouler

 

sur le talus du mont Royal

orignal, quand tu brames orignal

coule-moi dans ta plalinte osseuse

fais-moi passer tout cabré tout empanaché

dans ton appel et ta détermination

 

Montréal est grand comme un désordre universel

tu es assise quelque part avec l’ombre et ton cœur

ton regard vient luire sur le sommeil des colombes

fille dont le visage est ma route aux réverbères

quand je plonge dans les nuits de sources

si jamais je te rencontre fille

après les femmes de la soif glacée

je pleurerai te consolerai

de tes jours sans pluies et sans quenouilles

des circonstances de l’amour dénoué

j’allumerai chez toi les phares de la douceur

nous nous reposerons dans la lumière

de toutes les mers en fleurs de manne

puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang

tu seras heureuse fille heureuse

d’être la femme que tu es dans mes bras

le monde entier sera changé en toi et moi

 

Référence bibliographique

Gaston Miron, « La marche à l’amour » (EXTRAIT), L’homme rapaillé, Typo Poésie, 1998, p. 59-65 (p. 61-62).

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