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Des vers qui n’ont pas de mètre régulier.
J’ai longtemps cru que les bateaux voguaient par deux
mais il en est qui dorment seuls
dans le fond des estuaires
Ce n’est ni le froid ni la rouille qui les tourmentent
mais la peur d’être ensablé
Aujourd’hui le printemps s’est mêlé à l’hiver
Tout fond
L’hiver n’a pas dit son dernier mot
Un ancien imite le vent
J’ai pris la température de mes rêves;
je pouvais enfin toucher aux arbres à papillons,
aux forêts de nuages et aux archipels flottants.
Tranquillement, une flûte me raconte
Les orangers
des yeux de ma grand-mère
une sanguine
mélancolie étouffée
à grandes brassées d’eau
de Cologne
un serpent
à deux têtes
encercle
je pense aux arbres et à leur ancrage
je pense à ma mère juchée bancale dans la cuisine
je pense aux autobus jaunes
dans la cour de récré
cordés en ordre pédagogique
Je n’ai pas cessé d’être l’ourse
la fille qui rôde sous ta fenêtre
qui t’appelle dans l’obscurité
toi le garçon aux yeux pers
mendiant un peu de ta chaleur
Mais si tu refuses de sortir
Ce n’est pas si terrible
un jour vide
d’abord
et le plus soigneusement du monde
je fais l’expérience du rien
puis j’enfile autour de mes poignets
Tu dessinais des baisers.
Le paysage exigeait des statues.
Tu balayais les ombres.
Tu m’as expliqué comment le fleuve,
du coin de l’œil,
apparaît et disparaît,
s’ouvre et se ferme,
joggeuse de grand fond, tu cours
jusqu’au bout du continent
jusqu’au bout du siècle
champs minés, océans, naufrages
jets de plomb et de sang
squelettes en pile
le long de ton chemin
dans la rue une jeune femme
une rose rouge à la main
s’avance en souriant
un passant distrait l’accroche
la fleur tombe sur le pavé
le sourire déserte le visage
je me précipite
je suis comme tout le monde
ma sonnerie de cellulaire c’est une imitation d’oiseau
un exotique
cui cui
le ménage me prend
dans les derniers retranchements de décembre
j’ai pris l’auto
roulé jusqu’aux lignes
le muffler rouillé
jusqu’à la moelle
je voulais changer d’air
voir les states
Mon peuple écrivait en marchant
mon peuple écrivait sur la ligne de la mémoire
de cette façon, son bagage était moins lourd
il avait la bibliothèque de la terre avec lui
tu n’as pas eu le temps de me dire
la forêt des anciens et nos coutumes
perdue entre la route rouge
et l’autoroute blanche
celle de béton plutôt que de lichen
C'est la fin de l'été
et les familles ne partent peut-être plus
mais on t'invite quand même à la fête
comme à toutes les années
le vent se lève au matin
le fleuve reflète le soleil
Je ne me souviens pas toujours
D’où je viens
Dans mon sommeil,
Mes rêves me rappellent
qui je suis
jamais mes origines
ne me quitteront.
crépuscule aussi lent
qu’une peine d’amour
rivière lape ses vagues
contre quai
s’arrête pour un long sommeil
gris et long
soleil s’enfonce
les arbres tournent
juste là-bas
où les rivières se croisent
les gens se sont toujours rencontrés
500 ans c’est rien
ce lieu est trop profond
cette terre est une histoire vivante
nous sommes honorés d’y marcher
dans cette ville
de parkings de costco pleins de samedi
et de microbrasseries vides
deux infirmières de la clinique de jour
avec des boucles d’oreilles de quatre pouces
et des collants camo
je lis que certaines mésanges
naissent bleues avec une définition de l’amour glissante
qu’elles savent décapsuler les bouteilles de bière
et qu’elles vivent dans les forêts
je me souviens de ma dernière semaine
au primaire
les adultes voulaient nous montrer l’école
secondaire
on y a passé la matinée on y a même dîné
j’avais tellement envie de jouer
et j’ai vu ma mère perdre du poids
les blessures de ses mains
toujours plus grosses
j’ai vu ma mère faire des nuits blanches
toute une vie
sous la table
tous les soirs tous les matins
Je ne vous suis plus
je ne vous suis plus dévoué je ne vous suis plus fidèle j'erre à ma guise enfin hors des sentiers bénis
j'erre aux confins de ma vie
j'aime aussi
le lac empeste
s’impose contre les paupières
dissout les gueules encore vives
je n’ouvre pas les yeux
on me parle de corps morts je pense aux arbres
ces estropiés
dansant la drave sur lit de glaise
Toi qui chante Ô Canada
Sur un territoire endeuillé
Toi qui n’entends pas les plaintes
Les cris de rage, les pleurs cachés
Qui ne sens que le vent coupant
Sur cette terre stérile
J’écris une lettre
au pays de l’enfance
l’odeur du parent aimé
l’accent du village qu’on ne perd jamais
je marche avec une aube pointue
une allure de chien errant traversant l’autoroute
Ma mère m’a portée dans un ventre
jeune et ferme que je ne
reconnais pas
j’oublie aussi vite
que j’assimile
on dit tu n’écoutes pas
tout fond comme un buvard
quand on pousse la porte
quand on sort enfin de l’ombre
collée à la peau
on trouve sous nos pas
ce qu’il faut de clarté pour avancer
l’espace est immense
Parfois le silence est tellement tout
qu’on imagine la vie avant le langage
et un fond de poussière
en dedans de nous
le même fond gris
qui ralentit le trait
et nous fige dans cette masse
Grande main qui pèse sur nous
grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
grande main de fer rouge
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
Tu t’appuies contre la porte devant moi,
Grand, non rasé, bras ballants,
Un sac de voyage trop ample à tes pieds.
Je fixe la planche à repasser, incapable
De parler. Mes doigts déplient le col
un froissement d’aile
sans avertissement
l’oiseau se heurte aux carreaux de la fenêtre
son bec ses griffes
martèlement
chaque mur vert offre un voyage
La faim me réclame, la faim incommensurable,
la faim excitée par le flottement continu
des étoiles. Elle vient, ma faim, empourprer
mes veines afin de dessiner le bonheur
après la tristesse. Mais le bonheur comme
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
l’eau abonde
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
pour les oiseaux —
il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
au matin le même tiraillement
le même hibou momifié dans la poitrine
une soif lancinante la tenaille
ça enfle et monte
se loger dans les capillaires
dans les villosités
à la racine des cheveux
Pour Alanis, ma mère
Un soir de pleine lune,
la mère de tant d’enfants
redonne espoir
à un enfant
une image donne
une multitude de couleurs
Des pansements à terre / du sang sur les parois / des douleurs aphones dans la chaleur des crèmes réparatrices et des huiles de massage / cicatrices veuves de bandage / le projecteur noir de la mort s’ouvre sur une fesse pliée et tendue / un rond…
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
I
DANSER l'air
et ses proies SANS CORPS
II
à voir le sol
le flanc brillant
c’est du corps
enfin
la lame
viens
la cruauté de la vase la rivière
jusqu’aux genoux ça passait
à courant rapide
ça passait la main sur la bouche comme ça
à même la source un peu plus limace
à chaque respiration un peu plus floppée
Je viens comme une mante religieuse
dévorer le sur-mâle le héros le surhomme
et aspirer ta hache de guerre ô omme
j’ai la démarche effrontée des pécheresses
mes vastes hanches sont les berceaux
Quand je serai très vieux Demain peut-être Quand l’ange tournera discrètement la page inachevée Quand j’aurai fini de traquer les mots Défaillant d’en avoir tant mis sur la page Quand viendra le temps de partir…
Les fleurs ne s’attendent à rien. Je les arrose quand même tous les matins. Le geste suffit.
Un jour viendra où je n’aurai besoin de rien.
L’ensemble de mon avoir pourra tenir dans une seule phrase.
Depuis les premiers mots
lorsque avec peine j’apprenais
à occuper l’espace
inlassablement je repasse dans mes pas
sans laisser de traces
Je ne m’incruste pour ainsi dire pas
je voudrais voir la mer
un jour d’été je rêve
de roches sur la terre
d’outardes sur le gazon
c’est beau en bicyclette croiser
des écureuils blancs
c’est beau
la pluie tombe
écoute
à quoi bon être poète
beau dire
ce mal
semble dans la tête comme
marteau feu enclume clou couteau
ou l’éclat d’une baudroie ou des
aurores boréales
à la fin
Il y a des mots meurtris
devant la porte
n’ouvre pas
ils sont amoncelés, ils tomberaient en désordre
certains montent encore l’escalier
ils cherchent