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J’ai longtemps cru que les bateaux voguaient par deux
mais il en est qui dorment seuls
dans le fond des estuaires
Ce n’est ni le froid ni la rouille qui les tourmentent
J’ai pris la température de mes rêves;
je pouvais enfin toucher aux arbres à papillons,
aux forêts de nuages et aux archipels flottants.
Tranquillement, une flûte me raconte
joggeuse de grand fond, tu cours
jusqu’au bout du continent
jusqu’au bout du siècle
champs minés, océans, naufrages
jets de plomb et de sang
squelettes en pile
le long de ton chemin
eliza j'aime tes longs cheveux noirs
ton bracelet au poignet droit
celui que jamais tu n'enlèves
le cadeau de ta mère
qui vient de sa mère à elle
ce bracelet
dans les jeux de rôle à six ans
on avait encore le droit d'être
un·e autre sans conséquence
j'ai longtemps voulu qu'on m'appelle jack
sûrement après avoir vu
Mon peuple écrivait en marchant
mon peuple écrivait sur la ligne de la mémoire
de cette façon, son bagage était moins lourd
il avait la bibliothèque de la terre avec lui
C'est la fin de l'été
et les familles ne partent peut-être plus
mais on t'invite quand même à la fête
comme à toutes les années
le vent se lève au matin
le fleuve reflète le soleil
Aujourd'hui, la mer toute proche
éclabousse la fenêtre.
J’écris « aujourd’hui » à la date du jour,
dans mon agenda, pour bien marquer l’instant.
Je crois perdre la mémoire.
Je ne vous suis plus je ne vous suis plus dévoué je ne vous suis plus fidèle j'erre à ma guise enfin hors des sentiers bénis j'erre aux confins de ma vie j'aime aussi
quand on pousse la porte
quand on sort enfin de l’ombre
collée à la peau
on trouve sous nos pas
ce qu’il faut de clarté pour avancer
l’espace est immense
Grande main qui pèse sur nous
grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
tout s’incarne difficilement en moi alors que je voudrais surtout écrire de beaux mots, en rose saumoné, et m’en faire des costumes dans lesquels je disparaîtrais enfin, reproduction de cette petite fille noyée sous les manteaux de fourrure des…
il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles…
Ce matin, je me lève avant toi comme tous les matins pour ma tasse de silence. Les barrières tombent toutes. Je voyage — cinq outardes fendent les eaux.
Je viens comme une mante religieuse
dévorer le sur-mâle le héros le surhomme
et aspirer ta hache de guerre ô omme
j’ai la démarche effrontée des pécheresses
mes vastes hanches sont les berceaux
Les fleurs ne s’attendent à rien. Je les arrose quand même tous les matins. Le geste suffit.
Un jour viendra où je n’aurai besoin de rien.
L’ensemble de mon avoir pourra tenir dans une seule phrase.
je voudrais voir la mer
un jour d’été je rêve
de roches sur la terre
d’outardes sur le gazon
c’est beau en bicyclette croiser
des écureuils blancs
c’est beau
la pluie tombe
Il me semble que la poésie agit
à partir du corps puis de la tête
de la mémoire des bandes dessinées
ou de l’eau salée avalée
en sautant dans la rivière de mon enfance
il me semble que ça parle
J’habite un cri de terre aux racines de feu
Enfouies sur les rochers de solitudes
J’ai creusé lentement les varechs terribles
D’une amère saison de pluie
Comme au coeur du crabe la soif d’étreindre
I
Le peintre suit le pinceau abstrait de la neige
ses leçons de regard
la lente floraison
Je t'écris du plexus solaire, exactement -
puis de la gorge, comme s'il était presque midi.
Ma tête d'aujourd'hui - grands pins noirs,
Le jour se lève
Mes oiseaux n’enterrent pas
Les papillons de nuit
Je ne suis pas le genre de fille
À me protéger de la pluie
À attendre en file
Ni à courir après quoi
Ignores-tu que la réalité est composée de zones sensibles ?
Vois-tu la montagne
Les oiseaux qui en sortent par division
Étrange production soulevée par l’énergie qui la parcourt
Les maisons et les machines
ouvrant chaque fenêtre je fais le tour de la maison
laissant courir la lumière sur les meubles
danser le soleil sur les planchers
je respire l’eau des naissances
l’avenir voit rouge
nous repartons vers nos terres
pas à pas
tachés du sang de nos ancêtres
les pas perdus s’évadent du feu sacré
c’est là que les jeunes reforment le cercle
Ma maman ou ce qui en reste
n’est pas au ciel
mais dans la terre.
Et si on la retrouve au ciel
elle fait partie d’une étoile si lointaine
que même après deux éternités
Je suis passée
Plus vite qu’un vendredi soir
Pour éviter l’averse
Dans les relents d’hier
Je n’avais pas fait de plan
Dans ma tête tempête
De neige et de rage
C’est loin
Je l’entends souvent
T’en fais de la route
Ça te prend combien de temps
Je comprends
Quand tu pars de l’autre province
Quand tu pars de la capitale
Je me nommerai Mississippi
Assiniboine
Azueï
Oaxaca
j’aurai un nom de reine
ma fleur d’origine
Je suis
j’existe
je ne demande
pas grand-chose je serais
discret le silence
énorme de tes mots le creux
donné de tes paumes
mises ensemble
sans chercher au-devant
Nous qui n’avons rien
il nous faut regarder les feuilles qui tombent
dans l’air immobile
il nous faut regarder aussi
les feuilles que le vent éparpille
nous qui ne connaissons rien
nous quitterons
derrière l’horizon
au-delà du reflet
Ma terre je la prendrai dans ma main
je la soignerai
avec un pan
ma jupe
essuiera ses larmes noires
mes cheveux ses joues creuses
je la bercerai en ses tremblements
je ne dors plus
Un jardinier disait à ses mains,
Disait au jardin :
Je suis ta jument je suis ton pré
Pour célébrer la terre hors de la nuit
Vaste et fraîche
Mille rayons clairs debout
Je me suis levé
je suis debout dans le soleil et je marche
je marche à la vie à la lutte à la victoire
Qui es-tu ?
Je suis Mamadi, fils de Dioubaté.
D’où viens-tu ?
Rien n’existe hormis ce que j’invente.
Tout est neuf avec chaque matin,
Et si parfois je m’épouvante
Comme tu sembles calme…
Que pourrais-je écrire que l’on ne sache déjà ?
Que devrais-je dire que l’on n’ait déjà entendu ?
J’écoute ma voix baroque dans le miroir enflé de litanies sauvages.
J’écris comme on consulte un album de photos
une photographie, c’est l’existence au plus-que-parfait du subjonctif
à l’imparfait du subversif, du disjonctif
Je connais de la vie
Ce qu’on ne veut point dire
Je sais toute la sève coulée au cours des jours.
Dieu tout au bout de soi-même, quand éclate l’écorce et que les laves coulent de source.
Dieu des ruptures de glace et des bas-fonds généreux.
Le soleil est ma chair, le soleil est mon cœur,
Le cœur du ciel, mon cœur saignant qui vous fait vivre,
Le soleil, vase d’or, où fume la liqueur
Il pleut, il pleut, bergère,
Presse tes blancs moutons ;
Allons sous ma chaumière,
Pierre contre pierre
épouse contre époux
nous nous sommes prêté force
J’ai pris un coup de lune
à force de veiller la naissance de l’aube
Les criquets scient le calme
Je crois bien
sur la route, sur la mer
sur mes pieds