Voir tous les thèmes et registres
Les orangers
des yeux de ma grand-mère
une sanguine
mélancolie étouffée
à grandes brassées d’eau
de Cologne
un serpent
à deux têtes
eliza j'aime tes longs cheveux noirs
ton bracelet au poignet droit
celui que jamais tu n'enlèves
le cadeau de ta mère
qui vient de sa mère à elle
ce bracelet
Demain on va à l'aquarium. Dodo maintenant!
Je battais des nageoires,
Tu faisais des bulles.
Dans nos pyjamas identiques.
*
Sous les couvertures,
Lorsqu'on abandonne tout, on veut aussi laisser son nom derrière. Il y a longtemps, j'ai connu un Dragon qui voulait changer son nom pour Pierre. Il était concierge au club de tennis où je travaillais.
une journée de la fin d'été
une journée très chaude
une journée très belle
c'est le temps des foins
et les foins sont faits
c'est la fin d'une époque
avec des chevaux
La fenêtre de ma chambre
donne sur un jardin magique
rempli de fleurs qui fond
la grimace aux moustiques.
Il suffit de bien ouvrir
le coeur, les volets, les oreilles
des gouttes de pluie sur mes joues
j’ai levé mon visage vers le ciel
porteur de promesses
un petit oiseau vêtu de soleil
a défié les nuages
Le matin se lève
dessine un trait
sur la mer
Dans les herbes
un renard d'or
sous la lumière
Trésor
J'émiette mes traces
Avec toi j'entre dans le langage comme dans une maison. Je compose un cheval de lettres, un enfant sur la terre. Comme si je courais tous les dangers : cueillir une fleur dans l'incompréhensible, aimer le mot plus que moi-même.
crépuscule aussi lent
qu’une peine d’amour
rivière lape ses vagues
contre quai
s’arrête pour un long sommeil
gris et long
soleil s’enfonce
J’écris une lettre
au pays de l’enfance
l’odeur du parent aimé
l’accent du village qu’on ne perd jamais
je marche avec une aube pointue
une allure de chien errant traversant l’autoroute
Parfois le silence est tellement tout
qu’on imagine la vie avant le langage
et un fond de poussière
en dedans de nous
le même fond gris
qui ralentit le trait
et nous fige dans cette masse
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
un froissement d’aile
sans avertissement
l’oiseau se heurte aux carreaux de la fenêtre
son bec ses griffes
martèlement
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles…
Pour Alanis, ma mère
Un soir de pleine lune,
la mère de tant d’enfants
redonne espoir
à un enfant
une image donne
une multitude de couleurs
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
Je ne dis rien, je ne dis rien et tout le monde comprend. Tout le monde a un corps. Les aveugles. Les infirmes. Les morts. Je danse. Couvre ta gorge, tu vas finir par prendre froid.
Quand je serai très vieux Demain peut-être Quand l’ange tournera discrètement la page inachevée Quand j’aurai fini de traquer les mots Défaillant d’en avoir tant mis sur la page
les enfants demandent une consolation
pour le premier arrachement
du lait chaud ou ta peau
mousse mémoire de leurs joies
tu leur offres une attention – t’alignes
vers ton devenir animal
La déferlante du deuil ne se relâche pas. La stopper. Revisiter la vie et
mon regard sur elle. M'enthousiasmer pour elle. L'occuper jusque dans
Je stationne mes Dinky Toys dans
le hangar sous le lit et je m'assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
ses yeux en lunettes sur son
À la hauteur des vents
hisser les poitrails
tout sauvegarder
le rire blanc
et le soleil rouge et natal
ébène ebony blues
chant toujours rage
for all
that struck the earth
no matter if not bruised or spiked with stubble
Le rituel de grand-mère
débute avec
l’eau sur
les pieds
les mains
les avant-bras
le visage
elle répète trois fois
avec un soupçon
de Dieu est grand
il se passe trop de choses tranquilles
dans ma tasse
pour que je puisse toutes les remarquer
le lait dans mon thé présente son numéro d’hypnose
vais-je arriver en retard ?
est-ce que ça vaut
la peine
de courir d’après toi ?
je perds mon temps
tu crois ?
merde !
on s’en fout
au fond
Je cherche l’équilibre
le quart de ton
sa place
si petite soit-elle
entre les notes
une fissure à la Cohen
pour faire passer la lumière
nous inspirons l’air
frais dans nos êtres
suffoqués et parlons
de longs mots
anishnaabemowin
que je trace
le long de ta peau
nos cicatrices étirées
jusqu’aux bords
C’est loin
Je l’entends souvent
T’en fais de la route
Ça te prend combien de temps
Je comprends
Quand tu pars de l’autre province
Quand tu pars de la capitale
d’après tomson highway
personnages :
sais-tu, ombre, que je t’aime d’avoir troublé mon chemin
la nuit à peine terminée les vannes refermées
pour un long temps ils dormaient côte à côte
Nous qui n’avons rien
il nous faut regarder les feuilles qui tombent
dans l’air immobile
il nous faut regarder aussi
les feuilles que le vent éparpille
nous qui ne connaissons rien
dans l’immobilité de l’après-midi
bêtes et hommes endormis aux fougères
le grésillement de l’air emprisonne
nos paroles
cette langue nouvelle s’agrippe aux parois
Không có gì bằng cơm vời cá.
Không có gì bằng má vời con.
- Proverbe vietnamien
Ne sais-tu pas? L’amour d’une mère
Ce fut comme si soudain
il avait mis son cœur
à l’envers
comme si
dans le verger de ses bras
le fruit de son cœur
soudain était tombé
Elle a une main dans la main du désir
Nous ramons en haute mer
Les eaux suffoquées cassées
Masses pendues aux os tendres
Où je meurs au dialogue des corps
Si l’on s’arrête à cette photo
Si l’on mesure les époux
Deux fois grands
Comme les mariées de neuf ans
Si l’on regarde leurs regards
Comme le souhaite la photographe
Ton vœu, offre-le
et je ferai avec toi le chemin.
Nul nom, nul visage
ne répond à cette invitation.
Le chemin s’enfonce dans l’improbable,
je voulais te dire
mon visage manque
d’un tas de choses
qui t’appartiennent
à qui le nez
qui les yeux
les oreilles
J’ai donné des sous aux mendiants
mais les oreilles, les narines, les poumons
les yeux et la bouche de l’enfant
ouverts très grands
je ne les ai pas vus
les poèmes
je les ai tus
Ils sont gorgés d’eau, tous et chacun,
comme des salades, et plutôt
ravagés,
marqués par le cours des choses,
sales.
Dieu sait que je les aurai voulus autres —
Bleue était la neige
comme la ville et les mains qui échappent
tant et tant de rires
pour toi j’aurais voulu parler
toute la nuit
que tombe et retombe la neige
sans dire au revoir jamais
le soleil rince la première herbe
du dégel
tes mains pèsent
à l’endroit du cœur
à la place des neiges
sont légères
tes mains
tu descends des bières dans un bar de la rue
mont-royal
quelques parties de billard, des copains
Ma grand-mère a murmuré :
Ton grand-père est vieux comme le chemin.
Seul dans sa chambre,
il lit le journal.
Je voudrais le bercer,
petit corps
Je ne trouve pas toujours
les phrases
pour décrire la lumière
accrochée au rideau de ma chambre
ou les notes d’une chanson
dans mon oreille
Alors je lis des poèmes
avec des images
Dans la cuisine
ma mère recousait des ailes
rapiéçait des membres
ma mère était une magicienne
elle faisait des costumes
des armures avec des pattes
des pyjamas pour chiens
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.