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la vitalité de vos corps m'épuise
de désir et de désespoir
(je vous aime et je vous hais)
(je vous aime plus que je ne vous hais)
Demain on va à l'aquarium. Dodo maintenant!
Je battais des nageoires,
Tu faisais des bulles.
Dans nos pyjamas identiques.
*
Sous les couvertures,
j’aurais voulu t’aimer plus fort
en marées distinctes et audibles
d’un amour qui n’est pas gris
qui ne fait pas de victime
mais il n’y a eu que des lendemains froids
un souvenir se déboutonne
soirée au resto j'avale
une crise de panique avant mes pâtes
ma sueur fait de la nappe un dessin à colorier
où je dépasse les lignes
une journée de la fin d'été
une journée très chaude
une journée très belle
c'est le temps des foins
et les foins sont faits
c'est la fin d'une époque
avec des chevaux
des gouttes de pluie sur mes joues
j’ai levé mon visage vers le ciel
porteur de promesses
un petit oiseau vêtu de soleil
a défié les nuages
Je vis tout près de l'école
Mais assez loin pour avoir droit à l'autobus
Je suis déposé en dernier
Le trajet est dessiné ainsi
On punit ma paresse
avant même sa disparition
j'avais compris que dès que la tristesse ou la colère
devient grosse comme un ballon de kinball
il faut penser à autre chose
alors je rebondis
sarah kane sur la toilette
l’amour de phèdre
ça fonctionne bien avec les laxatifs
j’ai envie de le dire
mon rapport au monde est weird
et je suis écœurée de dissimuler
j’ai envie de tout dire
je suis comme tout le monde
ma sonnerie de cellulaire c’est une imitation d’oiseau
un exotique
cui cui
le ménage me prend
dans les derniers retranchements de décembre
j’ai pris l’auto
roulé jusqu’aux lignes
le muffler rouillé
jusqu’à la moelle
je voulais changer d’air
voir les states
Mon peuple écrivait en marchant
mon peuple écrivait sur la ligne de la mémoire
de cette façon, son bagage était moins lourd
il avait la bibliothèque de la terre avec lui
C'est la fin de l'été
et les familles ne partent peut-être plus
mais on t'invite quand même à la fête
comme à toutes les années
le vent se lève au matin
le fleuve reflète le soleil
Je ne me souviens pas toujours
D’où je viens
Dans mon sommeil,
Mes rêves me rappellent
qui je suis
jamais mes origines
ne me quitteront.
dans cette ville
de parkings de costco pleins de samedi
et de microbrasseries vides
deux infirmières de la clinique de jour
avec des boucles d’oreilles de quatre pouces
et des collants camo
je lis que certaines mésanges
naissent bleues avec une définition de l’amour glissante
qu’elles savent décapsuler les bouteilles de bière
et qu’elles vivent dans les forêts
je me souviens de ma dernière semaine
au primaire
les adultes voulaient nous montrer l’école
secondaire
on y a passé la matinée on y a même dîné
j’avais tellement envie de jouer
Aujourd'hui, la mer toute proche
éclabousse la fenêtre.
J’écris « aujourd’hui » à la date du jour,
dans mon agenda, pour bien marquer l’instant.
Je crois perdre la mémoire.
et j’ai vu ma mère perdre du poids
les blessures de ses mains
toujours plus grosses
j’ai vu ma mère faire des nuits blanches
toute une vie
sous la table
La nuit je parle trois langues et demie
le français l’anglais le portuguais
et le biscuit chinois
(je mange aussi le papier dans le biscuit pour que le message passe)
la nuit porte conseil
Où l’écart est un silence qui veille, je peux ma part de mère, de père, des kilomètres de cimes argentées. Je peux l’extension du grand jeu, l’aimer et le souffrir, à peine trop d’enfance.
Toi qui chante Ô Canada
Sur un territoire endeuillé
Toi qui n’entends pas les plaintes
Les cris de rage, les pleurs cachés
Qui ne sens que le vent coupant
Sur cette terre stérile
fouiller ouvrir les conserves les bocaux les boîtes de métal se gaver s’étouper fruitages fraises et rhubarbe groseilles et noisettes beurre d’érable compote de pommes gelée de roses pain perdu sucre à la crème cassonade sucer ses doigts lécher…
Ma mère m’a portée dans un ventre
jeune et ferme que je ne
reconnais pas
j’oublie aussi vite
que j’assimile
on dit tu n’écoutes pas
tout fond comme un buvard
quand on pousse la porte
quand on sort enfin de l’ombre
collée à la peau
on trouve sous nos pas
ce qu’il faut de clarté pour avancer
l’espace est immense
Parfois le silence est tellement tout
qu’on imagine la vie avant le langage
et un fond de poussière
en dedans de nous
le même fond gris
qui ralentit le trait
et nous fige dans cette masse
Grande main qui pèse sur nous
grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
tout s’incarne difficilement en moi alors que je voudrais surtout écrire de beaux mots, en rose saumoné, et m’en faire des costumes dans lesquels je disparaîtrais enfin, reproduction de cette petite fille noyée sous les manteaux de fourrure des…
Antichambre 4
un froissement d’aile
sans avertissement
l’oiseau se heurte aux carreaux de la fenêtre
son bec ses griffes
martèlement
La faim me réclame, la faim incommensurable,
la faim excitée par le flottement continu
des étoiles. Elle vient, ma faim, empourprer
mes veines afin de dessiner le bonheur
après la tristesse. Mais le bonheur comme
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
au matin le même tiraillement
le même hibou momifié dans la poitrine
une soif lancinante la tenaille
ça enfle et monte
se loger dans les capillaires
dans les villosités
à la racine des cheveux
j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles…
Pour Alanis, ma mère
Un soir de pleine lune,
la mère de tant d’enfants
redonne espoir
à un enfant
une image donne
une multitude de couleurs
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
I
DANSER l'air
et ses proies SANS CORPS
II
à voir le sol
et la chevelure plus longue que tourment cette chevelure chevaline coup d’épaule de rein tour de cou de bras tu danses à côté tu sautes hennis tu marches galopes tu regardes l’estrade la scène les yeux par milliers figés je dis : the eyes!…
Je ne dis rien, je ne dis rien et tout le monde comprend. Tout le monde a un corps. Les aveugles. Les infirmes. Les morts. Je danse. Couvre ta gorge, tu vas finir par prendre froid.
Nous nous ossifions comme un béluga. Une expérience de soleil privé. Ce qui réduit l’élan de l’oubli. Il nous revient de tout recommencer. Comme si la personne ne se marcottait pas, elle aussi.
Ce matin, je me lève avant toi comme tous les matins pour ma tasse de silence. Les barrières tombent toutes. Je voyage — cinq outardes fendent les eaux.
Je viens comme une mante religieuse
dévorer le sur-mâle le héros le surhomme
et aspirer ta hache de guerre ô omme
j’ai la démarche effrontée des pécheresses
mes vastes hanches sont les berceaux
Quand je serai très vieux Demain peut-être Quand l’ange tournera discrètement la page inachevée Quand j’aurai fini de traquer les mots Défaillant d’en avoir tant mis sur la page
Depuis les premiers mots
lorsque avec peine j’apprenais
à occuper l’espace
inlassablement je repasse dans mes pas
je voudrais voir la mer
un jour d’été je rêve
de roches sur la terre
d’outardes sur le gazon
c’est beau en bicyclette croiser
des écureuils blancs
c’est beau
la pluie tombe
Vaguelettes le huard, la chaufferette qui r’semble à un toaster
comme un début d’fin d’lac par une vitre trop épaisse
l’impression d’un temps qui passe comme un pédalo
quand j’veux ramer tu-seul pour ervoir les quenouilles
Cage d'oiseau - La fille maigre
À quelques années de distance,
le coeur de la jeune fille
et les os du jeune homme.
Dieux exilés dans un parc d'effroi