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Les orangers
des yeux de ma grand-mère
une sanguine
mélancolie étouffée
à grandes brassées d’eau
de Cologne
un serpent
à deux têtes
encercle
les enfants demandent une consolation
pour le premier arrachement
du lait chaud ou ta peau
mousse mémoire de leurs joies
tu leur offres une attention – t’alignes
vers ton devenir animal
Je stationne mes Dinky Toys dans
le hangar sous le lit et je m'assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
ses yeux en lunettes sur son
L'amour,
substantif,
très substantiel,
nom singulier,
genre ni féminin ni masculin,
genre désarmé.
Au pluriel
les amours désarmé(é)s.
La peur,
Quelqu'un finit toujours par me dire
T'es pas rendue trop grande
pour ça ?
Comme s'il y avait un âge limite pour
jouer
niaiser
ne rien faire
I
Le peintre suit le pinceau abstrait de la neige
ses leçons de regard
la lente floraison
À la hauteur des vents
hisser les poitrails
tout sauvegarder
le rire blanc
et le soleil rouge et natal
ébène ebony blues
chant toujours rage
il n'y a plus de soleils couchants
J'espère qu'il y aura tout le temps
une craque dans la porte
un petit jour
entre les lignes de notre histoire
Mais là j'avoue
j'aimerais troquer mon coeur
pour la simplicité d'un bon bol
Cette vieille femme
Au pas hésitant vers l'amour
Devient humaine,
Mais la Muse désapprouve.
Cette chair vénérable
Récolte tendresse et pardon
De la main charitable
Les étoiles amputées par les lumières de la ville
nous ne voyons plus le même ciel que nos ancêtres
nos constellations sont modernes et consuméristes
les bras étoilés tendus d'espérances
Cage d'oiseau - La fille maigre
À quelques années de distance,
le coeur de la jeune fille
et les os du jeune homme.
Dieux exilés dans un parc d'effroi
un os ou un poème,
au clair de lune
un pont relie
les pays des voyageurs
je fais partie d'un cortège
long de plusieurs exils
lasse de ne pouvoir renaître
je prends le chemin à rebours
pour capter le ciel
J'ai passé
la main sur les années
au ras de l'ombre,
minutes
brûlées
au crépuscule.
Pour cela,
je m'assieds parmi des gouttes
dans l'être amoindri
du silence.
Ouvre les tiroirs les plus secrets de ta mémoire
tu baignes dans la langue de ton enfance.
une voix douce et familière
chantonne cette berceuse sépharade
« En la casa hay una reja
ce n'était pas ma terre que je visitais
même pas celle de mon père.
et pourtant -
c'était la première fois que je voyais
un regard de reconnaissance chez les autres
Ma maman ou ce qui en reste
n’est pas au ciel
mais dans la terre.
Et si on la retrouve au ciel
elle fait partie d’une étoile si lointaine
que même après deux éternités
pour Miriam
sur les rives de l’Outaouais
bercées par le lait chaud au miel lorsque malades
nous avons grandi
loin des rabrouages inutiles
À Manolo Pesantes
Seulement pour déranger, seulement pour ça,
pratiquer une douche au compte-gouttes,
fatiguer la fatigue, désespérer les pleurs…
tandis que les cicatrices
de nos feuilles d’automne
sillonnent la neige frugale
je rêve l’hiver
je rêve l’hiver de toi
que c’est dur de narrer le futur
dans la fragilité du présent
la chemise que tu as laissée
sous une autre lumière
s’approche très près de la menace
on la dirait légère
une si légère menace
autour de l’été
d’un côté comme de l’autre
et puis t’aimes pas les mots tu les connais pas souvent tu
sais pas ce qu’ils veulent dire y’a tout un genre de mots
que tu veux pas entendre ou dire les mots à trois syllabes
J’ai donné des sous aux mendiants
mais les oreilles, les narines, les poumons
les yeux et la bouche de l’enfant
ouverts très grands
je ne les ai pas vus
les poèmes
je les ai tus
Ils sont gorgés d’eau, tous et chacun,
comme des salades, et plutôt
ravagés,
marqués par le cours des choses,
sales.
Dieu sait que je les aurai voulus autres —
le vent joue avec moi comme il parle aux feuilles
tous les jours je me dirige vers le jardin de la gare je songe à
l’énigme de mes gestes pense oui mais je dis non un court-cir-
le gros monde veut me vendre une église
des habits neufs
de beaux chapeaux
le gros monde veut me border
de fleurs de lampadaires
de taxes foncières
Il y a des jours où je revois Sudbury
dans l’asphalte craqué des rues de Saint-Boniface.
La mémoire s’écoule comme la noirceur de la ville où j’ai grandi
Ma grand-mère a murmuré :
Ton grand-père est vieux comme le chemin.
Seul dans sa chambre,
il lit le journal.
Je voudrais le bercer,
petit corps
Je ferme les yeux
Un rayon de soleil
Pénètre mes paupières
Infrarouge
Un filet de sang
Fait son chemin
Hors de moi
Chaque fois
Une voyelle muette
Dans la cuisine
ma mère recousait des ailes
rapiéçait des membres
ma mère était une magicienne
elle faisait des costumes
des armures avec des pattes
des pyjamas pour chiens
Tu réveilles en moi des souvenirs confus.
Je t’ai vu, n’est-ce pas? moins triste et moins modeste.
Ta tête sous l’orage avait un noble geste,
Nous aurons connu
le ciel plombé, les sapins noirs,
les rauques croassements des corbeaux
Petite halte dans la nuit
Où le sommeil s’en va sans bruit
De mes paupières relevées.
la vie avait jeté des paillettes
dans ses yeux
elle confondait dès lors le soui-manga et l’aigle
j’en veux
encore, toujours plus, insatiable
je veux les remuer à la pelle
Puisque voici Ma Dame Lune
Par les lucarnes des maisons,
Voici pour nous bonne fortune,
Reste la nuit
cette boule bleue que tu portais au coin des lèvres
nuit-fumée nuit des lilas-rafales et des seins-pendentifs
chaque jour tu rattrapais la lune
qui fuyait
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot soudain devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal ;
Le bateau sentait le thé
Quand nous traversions la mer,
À deux, à trois, pour aller
Je t’attendais ainsi qu’on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu’une oreille dans l’herbe
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
J’avais un grand arbre vert
Où nichait mon enfance ailée,
Un arbre grand troué de lumière
L’enfant qui jouait le voilà maigre et courbé
L’enfant qui pleurait le voilà les yeux brûlés
L’enfant qui dansait une ronde le voilà qui court après le tramway
Est-ce déjà l’heure
Ma tendre peur
Est-ce l’heure l’heure
Je resterai avec vous jusqu’à l’heure émouvante
où votre cœur sera devenu un continent glacé
dans le grand moment perdu de la route.
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Alors que je logeais, bien humble pensionnaire,
Au numéro vingt-trois de ce quartier ancien,
J’eus longtemps — grâce au ciel moins qu’au propriétaire —
Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’ai
Le regret des rêveurs qui n’ont pas voyagé.
Au pays bleu mon âme en vain se réfugie,