Voir tous les thèmes et registres
Aujourd’hui le printemps s’est mêlé à l’hiver
Tout fond
L’hiver n’a pas dit son dernier mot
Un ancien imite le vent
J’ai pris la température de mes rêves;
je pouvais enfin toucher aux arbres à papillons,
aux forêts de nuages et aux archipels flottants.
Tranquillement, une flûte me raconte
Les orangers
des yeux de ma grand-mère
une sanguine
mélancolie étouffée
à grandes brassées d’eau
de Cologne
un serpent
à deux têtes
encercle
je pense aux arbres et à leur ancrage
je pense à ma mère juchée bancale dans la cuisine
je pense aux autobus jaunes
dans la cour de récré
cordés en ordre pédagogique
Je n’ai pas cessé d’être l’ourse
la fille qui rôde sous ta fenêtre
qui t’appelle dans l’obscurité
toi le garçon aux yeux pers
mendiant un peu de ta chaleur
Mais si tu refuses de sortir
Ce n’est pas si terrible
un jour vide
d’abord
et le plus soigneusement du monde
je fais l’expérience du rien
puis j’enfile autour de mes poignets
Tu dessinais des baisers.
Le paysage exigeait des statues.
Tu balayais les ombres.
Tu m’as expliqué comment le fleuve,
du coin de l’œil,
apparaît et disparaît,
s’ouvre et se ferme,
joggeuse de grand fond, tu cours
jusqu’au bout du continent
jusqu’au bout du siècle
champs minés, océans, naufrages
jets de plomb et de sang
squelettes en pile
le long de ton chemin
dans la rue une jeune femme
une rose rouge à la main
s’avance en souriant
un passant distrait l’accroche
la fleur tombe sur le pavé
le sourire déserte le visage
je me précipite
quand on pousse la porte
quand on sort enfin de l’ombre
collée à la peau
on trouve sous nos pas
ce qu’il faut de clarté pour avancer
l’espace est immense
Parfois le silence est tellement tout
qu’on imagine la vie avant le langage
et un fond de poussière
en dedans de nous
le même fond gris
qui ralentit le trait
et nous fige dans cette masse
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
tout s’incarne difficilement en moi alors que je voudrais surtout écrire de beaux mots, en rose saumoné, et m’en faire des costumes dans lesquels je disparaîtrais enfin, reproduction de cette petite fille noyée sous les manteaux de fourrure des…
Tu t’appuies contre la porte devant moi,
Grand, non rasé, bras ballants,
Un sac de voyage trop ample à tes pieds.
Je fixe la planche à repasser, incapable
De parler. Mes doigts déplient le col
Antichambre 4
un froissement d’aile
sans avertissement
l’oiseau se heurte aux carreaux de la fenêtre
son bec ses griffes
martèlement
chaque mur vert offre un voyage
La faim me réclame, la faim incommensurable,
la faim excitée par le flottement continu
des étoiles. Elle vient, ma faim, empourprer
mes veines afin de dessiner le bonheur
après la tristesse. Mais le bonheur comme
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
l’eau abonde
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
pour les oiseaux —
il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
au matin le même tiraillement
le même hibou momifié dans la poitrine
une soif lancinante la tenaille
ça enfle et monte
se loger dans les capillaires
dans les villosités
à la racine des cheveux
j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles…
Pour Alanis, ma mère
Un soir de pleine lune,
la mère de tant d’enfants
redonne espoir
à un enfant
une image donne
une multitude de couleurs
Des pansements à terre / du sang sur les parois / des douleurs aphones dans la chaleur des crèmes réparatrices et des huiles de massage / cicatrices veuves de bandage / le projecteur noir de la mort s’ouvre sur une fesse pliée et tendue / un rond…
Prends la route qui mène vers l’appartement où tu es née – à ton arrivée tu remarques la porte rouge ouverte tu montes les escaliers reconnais les pièces où tu as grandi la chambre de tes commencements tes mains allègres emballent ta raison…
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
I
DANSER l'air
et ses proies SANS CORPS
II
à voir le sol
le flanc brillant
c’est du corps
enfin
la lame
viens
et la chevelure plus longue que tourment cette chevelure chevaline coup d’épaule de rein tour de cou de bras tu danses à côté tu sautes hennis tu marches galopes tu regardes l’estrade la scène les yeux par milliers figés je dis : the eyes!…
Je ne dis rien, je ne dis rien et tout le monde comprend. Tout le monde a un corps. Les aveugles. Les infirmes. Les morts. Je danse. Couvre ta gorge, tu vas finir par prendre froid.
la cruauté de la vase la rivière
jusqu’aux genoux ça passait
à courant rapide
ça passait la main sur la bouche comme ça
à même la source un peu plus limace
à chaque respiration un peu plus floppée
Nous nous ossifions comme un béluga. Une expérience de soleil privé. Ce qui réduit l’élan de l’oubli. Il nous revient de tout recommencer. Comme si la personne ne se marcottait pas, elle aussi.
Ce matin, je me lève avant toi comme tous les matins pour ma tasse de silence. Les barrières tombent toutes. Je voyage — cinq outardes fendent les eaux.
Je stationne mes Dinky Toys dans
le hangar sous le lit et je m'assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
ses yeux en lunettes sur son
Nos os puent l'humidité
des dizaines de petits vers blancs
circulent dans nos foies
des vers très vigoureux
qui n'hésiteraient pas à grimper
le long des jambes du promeneur
Vaguelettes le huard, la chaufferette qui r’semble à un toaster
comme un début d’fin d’lac par une vitre trop épaisse
l’impression d’un temps qui passe comme un pédalo
quand j’veux ramer tu-seul pour ervoir les quenouilles
Cage d'oiseau - La fille maigre
À quelques années de distance,
le coeur de la jeune fille
et les os du jeune homme.
Dieux exilés dans un parc d'effroi
un os ou un poème,
Je me réveille un dimanche et ça sent la levure chaude, alors elle doit être en train de faire du pain.
Passe-partout
Tu te demandais
Nerveuse
Ce que j’allais faire à ma graduation
Pour cacher les cicatrices
Sans te rassurer toi-même
Avec l’existence
Des robes à manches longues
cette journée est beaucoup trop universelle pour moi
cette histoire me rend modeste
je ne peux pas sortir du lit dans ces conditions
je ne peux pas ouvrir les yeux dans ces conditions
J’ai voulu avaler le soleil, absorber les coups désirés, tenir la mer dans mon regard sans jamais faire le deuil des rives. C’est un appétit qui me dépasse – un amour si grand pour le vivant que le chagrin devient inconsolable.
sous la douche
tenir dans l’eau
tenir le vide
au cœur de quoi la détresse
la voix s’égrène
tout bas
remue quelque désordre lointain
ta détresse de quoi
Tu me tapotes sur la tête en me disant que je devrais être plus sage
Tu me dis que je devrais me taire et t’écouter
Comme de grands seigneurs vous avez choisi la haine.
Celle qui déferle sur les parias qui vous menacent :
les envieux, les mesquins croupissant n’importe où.
Le fleuve n’est pas la mer, pourtant je choisis le chemin du port. Au bout de ces pas, peut-être deviendrai-je aussi porteño que toi.
tu seras seule
d'un bout à l'autre
DEPUIS QUE JE SUIS de silence.
Je plonge dans les mots
qui me blessent.
J’apparais aujourd’hui dans mon nez puis dans ma langue, souffle retardé, souffle clair. Ma vie propre et nette, astiquée au possible. Mes chiens habillés pour l’hiver. Quand je parle de mon corps, j’arrête de ressentir.
L’arbre devant la maison a perdu toutes ses feuilles. Elles ont disparu du jour au lendemain. Je ne me souviens pas de les avoir ratissées.
d’abord le bleu foncé pâlit le ciel
éclaire au ralenti l’horizon
le mauve apparaît et vire au rose
le soleil se lève
à n’en plus finir
au loin nous fixons le
tu t’abreuves volontiers
à ma source pour assouvir ta curiosité,
intrigué par l’exotisme de mes traits,
mais peu à peu, mon intuition s’affole
propos déplacés, injures voilées
on se raconte nos destinées
toi, qui navigues les eaux salées
tu n’as pas vingt printemps
Saigon s’affaisse dans la noirceur