Quand je serai très vieux...

Quand je serai très vieux

Demain peut-être

Quand l’ange tournera discrètement la page inachevée

Quand j’aurai fini de traquer les mots

Défaillant d’en avoir tant mis sur la page

Quand viendra le temps de partir

Toute parole close

L’âme bleue pareille au silence

Et livrée aux confins de l’absence

 



Quand il faudra s’en aller sans rien trahir

Que nulle hâte ne tirera plus par la manche

Que sera passée l’heure des floraisons et des peines

 



Quand il faudra remiser la plume avec le sablier

Replier mes solitudes avec mes amitiés

Ranger mes rêves dans l’armoire aux ténèbres

 



Ce jour-là toutes mes nuits au bout des mains

Je fermerai les yeux de la mémoire

Tendu dans l’attente de la lumière

Transi de tenace espérance

 



L’âme enfouie dans ses feuillages

Ses heures résignées en un vaste songe

J’abandonnerai ma main consolée dans la tienne

Ce sera le matin, je pense.

Référence bibliographique

Fernand Dumont,  « Quand je serai très vieux », La part de l'ombre, L'Hexagone, 1996 (dernier poème).

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