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Les orangers
des yeux de ma grand-mère
une sanguine
mélancolie étouffée
à grandes brassées d’eau
de Cologne
un serpent
à deux têtes
Tu dessinais des baisers.
Le paysage exigeait des statues.
Tu balayais les ombres.
Tu m’as expliqué comment le fleuve,
du coin de l’œil,
apparaît et disparaît,
s’ouvre et se ferme,
Vous qui passezbien habillés de tous vos musclesun vêtement qui vous va bienqui vous va malqui vous va à peu prèsvous qui passezanimés d’une vie tumultueuse aux artèreset bien collée au squelette
Et la vie nous sera tout sourire d'enfant,insouciant·e, serein·e, sans heurts et sansfoudres, cette enfance hermanita que nousavons ensemble dessinée à gros traits, desbarbots qui nous ressemblent, gribouillis dont
souvent tu observes
les signes que fait la mer
dans l’aveu des solitudes
les pas blanchis de fatigue
jusqu’où irais-tu
pour poser
les fragments de ta mémoire
je relis les je t'aime écrits à des hommes et le dédoublement est automatique; ce n'est pas moi, je ne vous aime pas.
apprendre à reconnaître les ondulations du racisme en même temps qu'à ouvrir un berlingot de lait dans mon école de pauvres : les faces blanches sur le côté de la pinte sont des enfants disparus.
des vies mirages
Lorsqu'on abandonne tout, on veut aussi laisser son nom derrière. Il y a longtemps, j'ai connu un Dragon qui voulait changer son nom pour Pierre. Il était concierge au club de tennis où je travaillais.
une journée de la fin d'été
une journée très chaude
une journée très belle
c'est le temps des foins
et les foins sont faits
c'est la fin d'une époque
avec des chevaux
des gouttes de pluie sur mes joues
j’ai levé mon visage vers le ciel
porteur de promesses
un petit oiseau vêtu de soleil
a défié les nuages
avant même sa disparition
j'avais compris que dès que la tristesse ou la colère
devient grosse comme un ballon de kinball
il faut penser à autre chose
alors je rebondis
Se découvrir
Au sommet de nos montagnes
Exige de franchir cette frontière
Là où nos histoires seront
Gravées dans la pierre
Grands et petits qui vivez dans les plaines
Avec toi j'entre dans le langage comme dans une maison. Je compose un cheval de lettres, un enfant sur la terre. Comme si je courais tous les dangers : cueillir une fleur dans l'incompréhensible, aimer le mot plus que moi-même.
je suis comme tout le monde
ma sonnerie de cellulaire c’est une imitation d’oiseau
un exotique
cui cui
le ménage me prend
dans les derniers retranchements de décembre
j’ai pris l’auto
roulé jusqu’aux lignes
le muffler rouillé
jusqu’à la moelle
je voulais changer d’air
voir les states
Mon peuple écrivait en marchant
mon peuple écrivait sur la ligne de la mémoire
de cette façon, son bagage était moins lourd
il avait la bibliothèque de la terre avec lui
tu n’as pas eu le temps de me dire
la forêt des anciens et nos coutumes
perdue entre la route rouge
et l’autoroute blanche
celle de béton plutôt que de lichen
Je ne me souviens pas toujours
D’où je viens
Dans mon sommeil,
Mes rêves me rappellent
qui je suis
jamais mes origines
ne me quitteront.
juste là-bas
où les rivières se croisent
les gens se sont toujours rencontrés
500 ans c’est rien
ce lieu est trop profond
cette terre est une histoire vivante
nous sommes honorés d’y marcher
dans cette ville
de parkings de costco pleins de samedi
et de microbrasseries vides
deux infirmières de la clinique de jour
avec des boucles d’oreilles de quatre pouces
et des collants camo
je me souviens de ma dernière semaine
au primaire
les adultes voulaient nous montrer l’école
secondaire
on y a passé la matinée on y a même dîné
j’avais tellement envie de jouer
Aujourd'hui, la mer toute proche
éclabousse la fenêtre.
J’écris « aujourd’hui » à la date du jour,
dans mon agenda, pour bien marquer l’instant.
Je crois perdre la mémoire.
le lac empeste
s’impose contre les paupières
dissout les gueules encore vives
je n’ouvre pas les yeux
on me parle de corps morts je pense aux arbres
ces estropiés
Où l’écart est un silence qui veille, je peux ma part de mère, de père, des kilomètres de cimes argentées. Je peux l’extension du grand jeu, l’aimer et le souffrir, à peine trop d’enfance.
Toi qui chante Ô Canada
Sur un territoire endeuillé
Toi qui n’entends pas les plaintes
Les cris de rage, les pleurs cachés
Qui ne sens que le vent coupant
Sur cette terre stérile
fouiller ouvrir les conserves les bocaux les boîtes de métal se gaver s’étouper fruitages fraises et rhubarbe groseilles et noisettes beurre d’érable compote de pommes gelée de roses pain perdu sucre à la crème cassonade sucer ses doigts lécher…
J’écris une lettre
au pays de l’enfance
l’odeur du parent aimé
l’accent du village qu’on ne perd jamais
je marche avec une aube pointue
une allure de chien errant traversant l’autoroute
Ma mère m’a portée dans un ventre
jeune et ferme que je ne
reconnais pas
j’oublie aussi vite
que j’assimile
on dit tu n’écoutes pas
tout fond comme un buvard
Tu t’appuies contre la porte devant moi,
Grand, non rasé, bras ballants,
Un sac de voyage trop ample à tes pieds.
Je fixe la planche à repasser, incapable
La faim me réclame, la faim incommensurable,
la faim excitée par le flottement continu
des étoiles. Elle vient, ma faim, empourprer
mes veines afin de dessiner le bonheur
après la tristesse. Mais le bonheur comme
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
Prends la route qui mène vers l’appartement où tu es née – à ton arrivée tu remarques la porte rouge ouverte tu montes les escaliers reconnais les pièces où tu as grandi la chambre de tes commencements tes mains allègres emballent ta…
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
Nous nous ossifions comme un béluga. Une expérience de soleil privé. Ce qui réduit l’élan de l’oubli. Il nous revient de tout recommencer. Comme si la personne ne se marcottait pas, elle aussi.
Quand je serai très vieux Demain peut-être Quand l’ange tournera discrètement la page inachevée Quand j’aurai fini de traquer les mots Défaillant d’en avoir tant mis sur la page
Depuis les premiers mots
lorsque avec peine j’apprenais
à occuper l’espace
inlassablement je repasse dans mes pas
Retrouve-moi à Montréal
mais ne viens pas sans prévenir
ne viens pas découvrir ma tête rasée
les encres, le métal
que j’ai calqués aux femmes-hiver
retrouve-moi mais ne regarde pas ce que j’ai semé
Dans un bar bondé à Belfast,
une voix de campagne, fumée bredouillante,
plonge dans mes oreilles.
Hé ben. T'es pas mal costaude.
Je me suis dit qu'il croyait
me faire un compliment.
lorsque je te dessine
je se dépose
emploie la cuisine le salon
pour ce que je voudrais multiplier
tu portes habits d'étincelles
sur la pointe des pieds
La déferlante du deuil ne se relâche pas. La stopper. Revisiter la vie et
mon regard sur elle. M'enthousiasmer pour elle. L'occuper jusque dans
Je stationne mes Dinky Toys dans
le hangar sous le lit et je m'assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
ses yeux en lunettes sur son
Il me semble que la poésie agit
à partir du corps puis de la tête
de la mémoire des bandes dessinées
ou de l’eau salée avalée
en sautant dans la rivière de mon enfance
il me semble que ça parle
L'amour,
substantif,
très substantiel,
nom singulier,
genre ni féminin ni masculin,
genre désarmé.
Au pluriel
les amours désarmé(e)s.
La peur,
Quelqu'un finit toujours par me dire
T'es pas rendue trop grande
pour ça ?
Comme s'il y avait un âge limite pour
jouer
niaiser
ne rien faire
flashbacks
à perpétuité
la mémoire est une corde
de bois d'allumage
la prison d'origine
l'armure d'écorce
je me pars une collection
de barreaux
sciés
tu sombres
dans un lent rêve
au goût métallique
ton dos t’abandonne
tes vertèbres
une à une
s’envolent
à leur place
des biscuits chinois
Tu me donneras l'eau ce jour ;
Il faut que coulent les galets
Qui obstruent les sentiers ;
Ce soir,
Je rentrerai,
Dans la case des génies
Tête devant, et boire
La sève nourricière ;
À la hauteur des vents
hisser les poitrails
tout sauvegarder
le rire blanc
et le soleil rouge et natal
ébène ebony blues
chant toujours rage
Dans un dictionnaire, il est écrit que
«l'amour est un mouvement,
une affection, de la tendresse».
Je m'efforce de comprendre comment ça peut
disparaître
et je tourne en boucle dans ma tête