la cruauté de la vase la rivière
jusqu’aux genoux ça passait
à courant rapide
ça passait la main sur la bouche comme ça
à même la source un peu plus limace
à chaque respiration un peu plus floppée
sangsue se désossant de sa gangue
***
comme pour s’affranchir de la rivière
elle remontait mon corps
m’engloutissait dans l’odeur
de sa masse vagissante
elle floraison et foisonnement
la crue jetée sur moi
***
elle dans le courant qui cherchait
plus grand
la force des algues elle
tirant dans le sens contraire
de sa naissance les yeux ouverts
sur la plaie verdâtre du fond de l’eau
***
la sortie c’était moi la voie possible
aussi un chenal un lit jusqu’aux terres
les écailles s’ouvraient pour respirer
à l’embouchure c’était aride
je l’essorais jusqu’à plus soif
j’étais le bassin insatiable
Geneviève Blais, La rivière jusqu’aux genoux, Poètes de brousse, 2015, p. 14-15-17-18.