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Un jour c’est vrai j'ai dit Oui, lui aussi
Un jour c'est vrai on s’est mariés c’est même moi
C’est vrai c’est moi la demande en mariage
Un jour c’est vrai, des jours parfois il m’appelait
Chérie
dans les derniers retranchements de décembre
j’ai pris l’auto
roulé jusqu’aux lignes
le muffler rouillé
jusqu’à la moelle
je voulais changer d’air
voir les states
tu n’as pas eu le temps de me dire
la forêt des anciens et nos coutumes
perdue entre la route rouge
et l’autoroute blanche
celle de béton plutôt que de lichen
Grande main qui pèse sur nous
grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
au matin le même tiraillement
le même hibou momifié dans la poitrine
une soif lancinante la tenaille
ça enfle et monte
se loger dans les capillaires
dans les villosités
à la racine des cheveux
la cruauté de la vase la rivière
jusqu’aux genoux ça passait
à courant rapide
ça passait la main sur la bouche comme ça
à même la source un peu plus limace
à chaque respiration un peu plus floppée
Je viens comme une mante religieuse
dévorer le sur-mâle le héros le surhomme
et aspirer ta hache de guerre ô omme
j’ai la démarche effrontée des pécheresses
mes vastes hanches sont les berceaux
moi mon allure est plus régulière que je ne le suis.
À la hauteur des vents
hisser les poitrails
tout sauvegarder
le rire blanc
et le soleil rouge et natal
ébène ebony blues
chant toujours rage
j'ai repoussé les tempêtes
j'ai endigué les orages
je suis seul et unique
témoin du temps
j'ai soudoyé l'histoire
j'ai reçu mandat des universités de contre-insurrection
des réducteurs de tête
nous regardons la danseuse
Il y a des mots meurtris
devant la porte
n’ouvre pas
ils sont amoncelés, ils tomberaient en désordre
certains montent encore l’escalier
Passe-partout
Tu te demandais
Nerveuse
Ce que j’allais faire à ma graduation
Pour cacher les cicatrices
Sans te rassurer toi-même
Avec l’existence
Des robes à manches longues
sous la douche
tenir dans l’eau
tenir le vide
au cœur de quoi la détresse
la voix s’égrène
tout bas
remue quelque désordre lointain
ta détresse de quoi
J’apparais aujourd’hui dans mon nez puis dans ma langue, souffle retardé, souffle clair. Ma vie propre et nette, astiquée au possible. Mes chiens habillés pour l’hiver. Quand je parle de mon corps, j’arrête de ressentir.
La mer nous sauvera
nous tendra les bras
nous embrassera
la mer nous sauvera
dans le cœur de sa maison
il y a toujours de l’espace
avec les tortues
Au premier jour de mon premier souffle
On me baptisa avec un numéro
Au deuxième, on me donna une terre de réserve
Pour y ensevelir mes premiers rêves
Jubiler à l’idée de prendre l’avion pour la première fois
Aller visiter la famille du Texas
Au pays du meilleur basket sur terre
Et atterrir en pleine canicule insoutenable
j’ai collectionné
les croyances et les médicaments
les heures de sommeil et les migraines
je suis devenue un
diagnostic
je suis devenue
officiellement folle
Et puis quoi d’autre sinon un milliard de routes de nuit éclairées par le cul d’une luciole priée espérée attendue ?
Moi, on ne m’a jamais appris à faire silence
Mon sexe est une blessure liquide
une armée de solitudes se dresse en moi
je suis d’albâtre et d’agave
des eaux charrient
des misères océanes
plus vieilles que moi
nous aimerions vous faire du bien
vous offrir à nos frais
une journée de rêve
voyage payé par le poème tout compris
des ortolans de l’eau turquoise
cocotiers ventilateurs
Inscris
je suis arabe
le numéro de ma carte est cinquante mille
j’ai huit enfants
et le neuvième viendra… après l’été
Te mettras-tu en colère?
Si l’on s’arrête à cette photo
Si l’on mesure les époux
Deux fois grands
Comme les mariées de neuf ans
Si l’on regarde leurs regards
Comme le souhaite la photographe
Ils n’ont pas su regarder ils ont laissé
Vieillir le temps
Le dernier miracle se balance
À la poutre du garage
C’est toujours la même voix
Perdue la même voix de couteaux qui appelle
J’ai donné des sous aux mendiants
mais les oreilles, les narines, les poumons
les yeux et la bouche de l’enfant
ouverts très grands
je ne les ai pas vus
les poèmes
je les ai tus
Ici vit le Noir la peur au ventre
Cette peur sans cesse refoulée
Sans cesse remise en lumière
L’Amérique en moi
C’est une partie de ma peau
La rumeur la plus sourde
À Cristina Campo
Ce sont mes voix qui chantent
pour qu’ils ne chantent pas, eux,
les muselés grisement à l’aube
les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.
je t’écris en retard sur la vérité
les feuilles mortes c’est le temps
qu’aura mis la noirceur pour sécher
dans l’œil percé du cœur ce corps
étranger qui nous regarde
dormir pareils aux arbres
Entre Ottawa pis Montréal,
entre la métropole pis la capitale,
entre des 9 à 5 comme des cercueils,
avec les foremen qui t’ont à l’œil,
entre les papiers du bien-être
pis leur formule mal de tête,
C’est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Pour célébrer la terre hors de la nuit
Vaste et fraîche
Mille rayons clairs debout
Tombe des Morts !
Encore cette odeur de sang sous mon ciel
Innocent.
Nous Dames Sarah ! Nous sommes les pêcheurs de lune ;
Les crottés les Ti-Cul
les tarlas les Ti-Casse
ceux qui prennent une patate
Le Nord m’interpelle.
Ce départ nous mène
vers d’autres directions
nous ne partirons pas
cette banquise neurasthénique porte l’espoir
des morts qui ne sont pas nés
L’enfant qui jouait le voilà maigre et courbé
L’enfant qui pleurait le voilà les yeux brûlés
L’enfant qui dansait une ronde le voilà qui court après le tramway
Ce ne sont pas mains de géants
Ce ne sont pas mains de génies
Qui ont forgé nos chaînes ni le crime