j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles des poissons, j’allume l’heure du coucher, j’allume l’air sous les draps, j’allume le premier jour de la nouvelle lune et j’illumine
* * *
ma famille est un poisson de rivière, ma famille un ongle qui gratte la lune l’été, ma famille un minéral commun, quotidien et complètement invisible, ma famille est deux ans dans un autre pays, ma famille est une religion antique, ma famille un remède transporté à travers bois, l’hiver, pour sauver un enfant, ma famille est une perche de cèdre, ma famille est un saule pleureur qui amuse les poissons de rivière
* * *
tu choisis le papier pour reconstituer les villes détruites et les terres brûlées, la glaise pour refaire les animaux et le bois ouvragé comme rite de passage / apprendre à se connaître, découdre les dieux de nos doublures de manteaux / dans nos jardins imaginer les amis que nous voulons être puis sortir dans la brousse le devenir
Névé Dumas, animalumière, Lézard amoureux, 2016, p. 39-51-54.