Ce matin, je me lève avant toi comme tous les matins pour ma tasse de silence. Les barrières tombent toutes. Je voyage — cinq outardes fendent les eaux.
Vivre au grand jour : c’est ici. Recevoir les gens dans son intimité brutale : c’est cela, habiter une maison offerte.
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Et sa beauté de centenaire lui coûte. On la veut avec tant d’ardeur qu’au fil des ans, ses planches intérieures ont pourri. Tout le monde connaît la poudre d’étoiles qui la recouvre. Même les oiseaux de mer y croient, jusqu’à nicher en elle, par les cavités, par la cheminée. Mais dessous, je sais l’air vicié et l’affaissement des poutres. Elle n’est pas au bord de la mer, elle est au bord du ciel.
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La maison me laisse sortir une heure. J’ai abandonné à son sommeil notre mariage dans les odeurs piquantes du sable. (Nous tournions toi et moi pareillement, c’était aux époques sans électricité de notre vie ménagère recluse, intemporelle.)
Je me suis dirigée vers la forêt, qui ouvre sur une première vallée de toundra. Là, je jure que j’ai dansé avec le vent. Alors que je suis une raideur ne sachant rien des pas, dans le sentier des chutes, arrivée au sommet d’un rocher déposé là par un géant, je jure que j’ai investi toute ma foi dans la chorégraphie de l’air.
Andréane Frenette-Vallières, Tu choisiras les montagnes, Le Noroît, 2022, Pages 68-69-70.