Je continue ma lente marche de poète
à travers les forêts de ta nuit
province d’ombre peuplée d’aphones
Qui ose rire dans le noir ?
Nous n’avons plus de bouche pour parler
Quel chœur obscène chante dans l’ombre
cette chanson dans mon sommeil
cette chanson des grands marrons
marquant le rythme au ras des lèvres
Qui ose rire dans le noir ?
Nous n’avons plus de bouche pour parler
Les mots usuels sont arrondis
collants du miel de la résignation
et la parole feutrée de peur
s’enroule dans nos cerveaux capitonnés
Qui ose rire dans le noir ?
Nous n’avons plus de bouche pour parler
nous portons les malheurs du monde
et les oiseaux ont fui notre odeur de cadavre
Le jour n’a plus sa transparence et ressemble à la nuit
Tous les fruits ont coulé nous les avons montrés du doigt
Qui ose rire dans le noir ?
Nous n’avons plus de bouche pour parler
car le clavier des maîtres mots des Pères de la patrie
au grenier du passé se désaccorde abandonné
Ô mon pays si triste est la saison
qu’il est venu le temps de se parler par signes
Chant de douleur, de joie et de marche vers l’avant.
1. Pouvez-vous expliquer le passage du « Je » au « Nous » entre la première et la deuxième strophe?
2. En vous référant au poème complet, pouvez-vous nommer au moins deux caractéristiques d’un « poète » selon Phelps ?
3. Quel effet vous fait l'anaphore « Qui ose rire dans le noir / Nous n’avons plus de bouche pour parler » à chaque début de strophe ?
4. Anthony Phelps reprend, dans la structure de son poème, quelques caractéristiques de la chanson. Pouvez-vous dire lesquelles ?
5. Sans changer les mots du poème, seriez-vous capable d’ajouter une mélodie à votre lecture ?
Activité d’écriture
En vous inspirant du poème d’Anthony Phelps, écrivez un poème dans lequel toutes les strophes commencent par une anaphore.
Liens utiles
Anthony Phelps lit le poème « Jusqu’au bout », de son anthologie personnelle Nomade je fus de première mémoire :
Anthony Phelps en entrevue sur son identité haïtienne :
« Je continue ma lente marche… », Mon pays que voici, Montréal, Mémoire d’encrier, 2007 [1968].
Cet extrait a été reproduit aux termes d’une licence accordée par Copibec.