Un jardinier disait à ses mains,
Disait au jardin :
Je suis ta jument je suis ton pré
Je suis ton ciel je suis ton sol
Je suis ton aile et ton tourment
Je suis ton eau
Je t’abonde tu m’embrasses
Tu m’élèves tu te glisses
Tu m’inventes tu t’élides
Tu m’étonnes tu t’en viens
Je suis ton ambre et ta lumière
Je suis la manne de tes fruits
Je suis l’entaille du matin
Je suis le toit je suis la plaine je t’étreins
Je suis ton aile tu m’emportes
Tu t’envoles tu m’étrennes
Tu te donnes tout le ciel
Tu me donnes ton haleine
Tu es l’embrun tu es le sel
Je suis la chair de ton hallier
Tu es l’embrun tu es la sève
Je suis ta brume ton entrain
Je suis ton bras je suis ta main
Je suis ton ombre et ton sentier
Je suis ton pas
Je suis ta soie ton couturier
Il contempla la toile de ses mains,
Il regarda le buis, l’érable, il vit l’aubier,
Il vit la feuille et la ligne des feuilles,
Il regarda le ciel, il regarda le sol,
Il contempla la soie de ses mains,
Il vit que la soie était celle du jardin.
À la recherche d’un tout
1. Quelle ambiance se dégage de ce poème ?
2. Relevez les termes qui se rapportent aux éléments (eau, terre, air, feu). Lesquels dominent ?
3. Les métaphores abondent dans ce poème. Notez celles qui témoignent d’une certaine complémentarité entre le « je » et le « tu ».
4. Remarquez le rôle de la ponctuation dans le poème. Pourquoi, selon vous, est-elle uniquement présente dans la première et la dernière strophe ?
5. Les deux premiers vers évoquent un dialogue entre le jardinier et son jardin. Pourrait-on y voir une métaphore de l’artiste ? Relevez les termes appartenant au champ lexical de l’art ou de la création.
6. Lisez à voix haute ce poème en évitant le ton énumératif. Tentez plutôt de créer un rythme en variant la vitesse de lecture, en appuyant davantage sur certaines images.
Activité d’écriture
À partir d’un lieu familier autre que le jardin, amusez-vous à écrire un poème où un dialogue s’installe entre un « je » et un « tu », et où des éléments complémentaires de l’espace sont évoqués. Ça peut être dans une cuisine, une chambre, un parc, etc.
Liens utiles
Un entretien fascinant avec Michel Van Schendel mené par le philosophe Georges Leroux en mars 2005, accompagné de lectures, disponible sur le site du Festival de la poésie de Montréal.
Michel Van Schendel « Un jardinier disait à ses mains », Mille pas dans le jardin font aussi le tour du monde, Montréal, L’Hexagone, 2005.