Il y a des chambres...

Antichambre 4

 

Il y a des chambres où on n’écrit pas. D’autres où on s’y résout, faute d’un lieu plus approprié. D’autres, enfin, qui sont d’abord cela : un espace d’écriture et de lecture. Le seul territoire suffisamment intime, abrité du regard et du mouvement des autres, de ces autres proches avec qui on partage les repas et les soirs ; on peut supporter qu’ils nous regardent lire, oui, mais écrire, non.

 

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Chambre 17

 

Le lit s’adossait au mur de la fenêtre. Il suffisait de tendre le bras pour soulever le rideau et amener jusqu’à l’oreiller la lumière de la rue. Pour lire après l’heure permise. En face du lit, je devinais dans la pénombre la table de travail où s’écrivaient les premiers vers. Sous le couvre-lit rouge, lorsque le livre se fermait, j’apprenais, seule, la jouissance et je quittais l’enfance, sans nostalgie.

 

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Antichambre 11

 

Peut-on vraiment être lucide à l’égard de soi, de ces fragments de soi qu’une chambre révèle? N’est-on pas tenté, toujours, de choisir les chambres en fonction de cette représentation qu’elles recèlent, qu’on voudrait plus belle que celle que le miroir renvoie? Sans doute. Et certainement, alors, on fait œuvre d’imagination tout autant, voire davantage, que de remembrance. En cela réside la seule lucidité possible.

 

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Chambre 32

 

Nous n’avons jamais dormi ensemble. Ni dans cette chambre, la tienne, où nous avons passé des heures à nous toucher à peine de peur que ton beau-père si obstiné dans ses intransigeances ne nous surprenne, ni ailleurs. Les murs étaient en lattes d’un bleu très clair, l’étagère, imprécise et le loquet du placard avait trois fois notre âge. Nous étions adolescents, nous étions orphelins. Hors les murs de ta chambre, nous nous étions libérés du poids de la virginité.

Référence bibliographique

Marie Bélisle, « Antichambre 4 », « Chambre 17 », « Antichambre 11 », « Chambre 32 », Caméra obscura, Le Noroît, 2021, p. 22, 53, 57, 97.

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