Tu es comme toutes ces mères qui ont toujours
protégé leurs petits, les ont nourris, léchés,
éduqués, dévorés devant les prédateurs.
Tu voudrais ressusciter ta lignée d'ancêtres
poilues, toi, née le corps si nu que tu peux suivre
de ton doigt le trajet bleu de tes veines. Tu es
une géographie à fleur de peau, et tu penses
aux grandes migrations de celles avant toi qui
ne savaient pas parler, à leurs hurlements dans
ton sommeil, hurlements qui déchirent le ciel
quand les mots s'éteignent dans ta bouche. Tu
comprends alors l'arrogance de ta langue, et sa
pauvreté. Comment écrire je si on ne croit plus
en l'espèce humaine?
Années
1e à 3e sec./7e à 9e année
4e sec. au cégep 1/10e à 12e année
Référence bibliographique
Louise Dupré, «Tu es comme toutes ces mères...» La main hantée, Éditions du Noroît, 2016, p. 38.