si je ne touche pas les lignes du trottoir
si je me rends au troisième lampadaire sans
m’arrêter de courir
tout va bien aller
ça n’existe pas c’est dans ma tête
l’air de rien j’ai assez d’ongles pour
m’accrocher au désordre
le lac gruge un peu plus le ciment les gencives
en sang
et j’ai envie que tout ça finisse au plus vite
comme ce premier french sur le rempart
(nous sommes partout égarés)
des bancs
des cèdres taillés
et là, géants
quatre tipis de béton
dessus, des gravures
un castor
des raquettes
un canot, un ours
gris ciment
gris évolution
l’histoire tracée dans la fadeur
Le rempart
un temps impossible, gelé
des poussettes, des gars chauds
jour et nuit les chiens
jour et nuit le pissenlit pousse
dans la craque du béton
et devant le lac,
une chance,
le lac.
Marie-Andrée Gill, « si je ne touche pas... », Frayer, La Peuplade, 2016.