Un thé venteux

il se passe trop de choses tranquilles

dans ma tasse

pour que je puisse toutes les remarquer

le lait dans mon thé présente son numéro d’hypnose

                 se diffuse en serpentins et évolue en tournoyant

dans mon thé majorette les rubans s’éternisent

pour entretenir mon épatement

 

radio musique classique

volume à minimum

frivoles murmures de harpes et violons

bouquet chez Mère-Grand pour l’heure du thé

 

il y a des tableaux accrochés

partout dans la maison

Mère-Grand artiste peintre

toutes ses peintures ont l’air

de regarder par la fenêtre

les yeux grands comme neige

              ou étourdis par l’automne

les yeux qui trouvent des plages

dans toutes les saisons

les vraies fenêtres sont ouvertes

les rideaux font des farces avec le vent

s’entre-jouent timides

non toi arrête rigolent-ils

ah tu me fais rire jeu de coude malin

 

d’ordinaire les rideaux ne se touchent

              qu’en temps d’ouragan

d’ordinaire les rideaux se frôlent à peine

restent sages malgré l’effervescence de l’ennui

mènent une vie rangée avec vue sur la ville

mais à l’heure du thé les deux rideaux

se taquinent et rivalisent de tendresse

 

Référence bibliographique

Baron Marc-André Lévesque, « un thé venteux », J’ai appris ça au cirque, La courte échelle, 2020, p. 9-10.

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