Mer forte. Pratiqué le chenal du Fromveur. 12h15 Phare de l'île de Batz
La mer n'évacue pas, ne vide pas les regards. La mer nous
regarde dans les yeux et c'est le signe d'un combat.
La mer ne nous égare pas, nous ne sommes jamais perdus
par ses mensonges, qu'elle nous affronte ou bien nous frôle,
nous esquive, nous piège, nous enlace et nous déchire, elle
nous révèle chaque fois davantage, non pas un secret, mais
la présence d'un secret.
Elle dit le profond, l'insaisissable, l'imprévisible "Mare
incognito" en nous. Elle en recompose le visage, les lignes,
les découpages. La mer est de l'eau qui parle. Elle rend
visible ce qui était invisible, on entend les vagues parlantes
comme des voix humaines. Elle découpe l'espace, le temps
du silence, du bruit de la parole et du cri.
La mer est un corps liquide, sonore, intranquille qui
assourdit la peur, le sentiment du vide. La mer respire.
Erwann Rouge, «Mer forte», Passerelle, carnet de mer, L'Amourier, 2013, p.55