Ma bohème

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;

Mon paletot soudain devenait idéal ;

J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal ;

Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

 

Mon unique culotte avait un large trou.

Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.

Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

 

Et je les écoutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

 

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,

Comme des lyres, je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Référence bibliographique

Rimbaud, Arthur, « Ma bohème », Œuvres, Paris, Garnier, 1960.

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