La déferlante du deuil ne se relâche pas. La stopper. Revisiter la vie et
mon regard sur elle. M'enthousiasmer pour elle. L'occuper jusque dans
ses recoins afin de te la redonner vive. Sans cadavre. T'offrir la joie
dégagée de son angle noir. J'y croirais enfin. Et pas par culpabilité de ne
pas avoir su te la donner comme il faut au bon moment.
Belvédère Léo-Ayotte. Nous sommes assis sur deux des chaises des
Leçons singulières, fixées au-dessus d'un livre et d'un sac à lunch en
bronze. Comme l'immense table topographique du parc, que l'artiste a
volontairement éloignée de ses chaises. Si rassurante derrière. On peut
à tout instant s'y appuyer, compter sur elle. Table boussole pour errants
égarés. Nous regardons droit devant nous. Étang, joggeurs, flâneurs,
frémissements, clapotis, klaxons, bêtes. À chaque nanoseconde, rejoints
par des millions d'atomes, à tour de rôle de clair-obscur et d'éblouissement.
De noir total aussi. Les 26 fusillés de Newton la semaine dernière
et les 126 violées du Congo dans Le Devoir ce matin. Secours-moi,
mon grand, aide-moi à rendre incontestable mon humanité.
Denise Desautels, « La déferlante... », Sans toi je n’aurais pas regardé si haut, Montréal, Éditions du Noroît, 2013, p.39.