Par Saint-Titiphore du branle-bas
et la taverne du coin
par la draffe d’air et celles qu’on boit
par les bécosses et les chiens sales
par le cantouque d’en haut d’La Tuque
la barre à clous la faulx rouillée
mets un doigt dans ton nez
jusqu’à la fin des temps
tout est prégnant tout est enceint
le lundi est gris
l’autobus est plein
et mon mal est souverain
je l’ai monté souvent cet escalier
mon cœur y traînait la patte
du deuxième au quatrième
la concierge me dit que tu es partie
adieu à toi zé à la poésie
la boutique est fermée
le rideau est tiré
dans un fracas de ferraille
et je me noie dans la gueusaille
d’une vie trop utile
je plie bagages
comme un homme à gages
les travaux sont finis
et moi itou
imparfait contesté
la certitude l’a fui du début à la fin
les lèvres des couventines
de sa jeunesse l’hallali sonnent
chaque matin sa tragédie recommence
il se lève tout de même
et reçoit la gifle du jour
il sera parti que la coda de sa chanson
flottera encore dans l’air esclavage
dernier cadeau d’un voyageur
à jamais muet
Routine implacable pour qui évolue dans la « gueusaille d'une vie trop utile »
1) Quel est le sentiment général qui se dégage de ce poème ? Pensez à l’état d’esprit du locuteur.
2) Selon vous, de quelle région le locuteur est-il issu ? Quels sont les indices qui guident votre réponse ?
3) Avez-vous cherché la signification du mot cantouque ? Dans votre langue de tous les jours, pouvez-vous penser à des mots issus du franglais, ou carrément de l’anglais ? Au besoin, développez une réflexion sur l’importance de l’utilisation de mots dérivés de l’anglais dans votre langage quotidien. Vient-il des films, de la musique ?
4) Le locuteur affirme que son « cœur y traînait de la patte ». Que signifie cette expression, compte tenu du contexte ?
5) Quel ton êtes-vous tenté de prendre en lisant ce poème à voix haute ?
Activité d’écriture
Utilisez les vers « chaque matin sa tragédie recommence/il(elle) se lève tout de même » comme point de départ d’un texte sur votre routine quotidienne.
Liens utiles
1. Citation de Godin sur l’origine du mot « cantouque » dans un article de la revue Châtelaine :
« À l’époque, au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, j’avais des chums qui travaillaient dans les chantiers. Un nommé Trudel, particulièrement, mort aujourd’hui, qui était bûcheron. Il m’avait amené à aller fouiller dans des dictionnaires de métier, entre autres, The English Duden qui, par des dessins, montrait ce que c’était un chantier de bûcherons. Il y avait là le dessin du cant-hook et comme le mot cantouque n’était dans aucun dictionnaire, j’ai décidé d’appeler ainsi le poème qui trimballe des sentiments, le cant-hook, quant à lui, étant un objet polyvalent, à la fois pic et tourneur de pitounes parce qu’il y a un croc. Poème tourneur de sentiments cantouque, voilà un terme qui convenait parfaitement à la poésie que je voulais faire. » Gérald Godin, 1990
2. Définition de Cantouque sur le site Mémoire du Québec
3. « Cantouque de l’écœuré », lu par Gérald Godin
Godin, Gérald « Cantouque du mauvais jour », Les cantouques, dans Ils ne demandaient qu’à brûler, Montréal, L’Hexagone, 2001 [1962].