J’ai lu que les poètes, en Chine, sont très doux.
Et qu’il y en a un qui est mort de la lune ;
Et les Chinois ne disent pas qu’il était fou
Car c’est, chez eux, une aventure assez commune.
J’ai lu qu’ils s’enivraient de vin et de la lune,
Et leurs vers se balancent comme de longs bambous
Entre l’eau de leur cœur et les brouillards de plume
Qui s’accrochent, dans leur pays, un peu partout.
Leur âme frêle et sombre, printanière et fidèle,
Fend le ciel et le fleuve comme un vol d’hirondelle,
Et les larmes qui glissent sur la soie de leurs manches,
Sont des feuilles de saule, fines, longues et tendres.
Peut-être est-ce un Chinois qui m’a mis dans le cœur
Cette chanson de l’eau, de la lune et des fleurs,
Et ce doux paysage en noir et en couleur
D’un jonc qui tremble au vent dans la main d’un pêcheur.
Peut-être que mon cœur est un peu bien chinois
Et mourra de la lune un beau jour comme un autre...
Et qu’est-ce qu’on dira, et qu’est-ce qu’on dira
De l’aventure, dans un pays comme le nôtre?...
Dominique, Jean, « J’ai lu que les poètes, en Chine », La gaule blanche, 1903.