Connaissant votre humeur je veux bien ma Sylvie,
Que passant votre temps
Avec tous les amants dont vous êtes servie,
Vous les rendiez contents.
La mode de la Cour m’étant si bien connue
Pourrais-je avoir douté
Qu’on peut vivre en ce temps plus chaste et retenue
Avec tant de beauté ?
J’approuve vos plaisirs et qu’il vous soit loisible
D’en jouir bien à point,
Car donnant tant d’amour il serait impossible
Que vous n’en eussiez point.
Mais puisque ce péché point de blâme n’apporte
Quand on le cache bien,
Je voudrais seulement que vous fissiez en sorte
Que je n’en susse rien.
Celle qui fait du mal se peut dire innocente
En le tenant caché,
Mais quand on fait du mal et qu’après on s’en vante,
On fait double péché.
Lingendes, Jean de, « Stances sur une courtisane », dans Jean Rousset, Anthologie de la poésie baroque française, Tome 2, Paris, Armand Colin, 1961.