Sans espoir de rien, aller par les rues,
C’est là un destin meilleur qu’on ne croit,
À cause des allées et venues
De toutes les gentilles qu’il y a ...
Sans espoir de rien, voguer la vie,
Cela vaut la peine tout de même,
À cause d’instants ensoleillés
Qu’il fait vraiment bon sentir passer.
T’apercevrais-tu que tu es heureux,
Si ton bonheur durait plus d’une heure ?
Et vaut-il pas mieux
Ne pouvoir aimer qu’avec les yeux,
Et qu’un pauvre instant, la nuque, les yeux,
Le mystère qui fuit à jolis pas
De toutes les gentilles qu’il y a ?
Allons donc, la vie accepte qu’on la vive
La terre n’est pas si froide encore
Et les minutes rares ne sont pas si rares
Où l’on se confie qu’il fait bon vivre,
Où tout simplement, on se prend à vivre
Au frais dans l’herbe, au tiède sur le sable,
Ou bien le long des rues, tout à la joie
De cueillir des yeux le passage aimable
De toutes les gentilles qu’il y a ...
Charles Vildrac, « Sans espoir de rien », Le livre d’amour, Seghers, Paris, 1959.