L’hospitalité

ROMANCE

    Il pleut, il pleut, bergère,

Presse tes blancs moutons ;

Allons sous ma chaumière,

Bergère, vite, allons :

J’entends sur le feuillage

L’eau qui tombe à grand bruit ;

Voici, voici l’orage ;

Voilà l’éclair qui luit.

 

    Entends-tu le tonnerre ?

Il roule en approchant ;

Prends un abri, bergère,

À ma droite en marchant ;

Je vois notre cabane...

Et, tiens, voici venir

Ma mère et ma sœur Anne

Qui vont l’étable ouvrir.

 

    Bonsoir, bonsoir ma mère ;

Ma sœur Anne, bonsoir ;

J’amène ma bergère,

Près de vous pour ce soir.

Va te sécher, ma mie,

Auprès de nos tisons ;

Sœur, fais-lui compagnie,

Entrez, petits moutons.

 

    Soignons bien, ô ma mère !

Son tant joli troupeau ;

Donnez plus de litière

À son petit agneau.

C’est fait : allons près d’elle.

Eh bien donc, te voilà ?

En corset, qu’elle est belle !

Ma mère, voyez-la !

 

    Soupons : prends cette chaise ;

Tu seras près de moi ;

Ce flambeau de mélèze

Brûlera devant toi.

Goûte de ce laitage ;

Mais, tu ne manges pas ?

Tu te sens de l’orage ;

Il a lassé tes pas.

 

    Eh bien ! voilà ta couche,

Dors-y jusques au jour ;

Laisse-moi sur ta bouche

Prendre un baiser d’amour.

Ne rougis pas, bergère ;

Ma mère et moi, demain,

Nous irons chez ton père

Lui demander ta main.

 

Référence bibliographique

 

Fabre d’Églantine, « L’hospitalité », dans Michel Delon, Anthologie de la poésie française du XVIIIe siècle, Paris, Poésie/Gallimard, 1997.

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