J’abdique tout

Je ne suis plus qu’un peu de chair qui souffre et saigne.

Je ne sais plus lutter, j’attends le dernier coup,

Le coup de grâce et de pitié que le sort daigne

Assener à ceux-là qui vont mourir debout.

 

J’abdique tout. J’ai cru que la cause était belle

Et mon être a donné un peu plus que sa part ;

La mêlée était rude et mon amour rebelle,

Ma force m’a trahie et je l’ai su trop tard.

 

Je suis là, sans orgueil, sans rancœur et sans arme ;

Mais l’espoir têtu reste en mon être sans foi,

Même si je n’ai plus cette pudeur des larmes

Qui fait qu’on a l’instinct de se cacher en soi.

 

La vie âpre, insensible, a vu ma plaie béante

Et tous les soubresauts qui ont tordu mon corps ;

J’ai crispé mes doigts fous aux chairs indifférentes,

Mon amour résigné a pleuré vers la mort.

 

Qu’elle vienne, la mort, celle des amoureuses,

La mort qui vous étreint comme des bras d’amant,

Et qu’elle emporte ailleurs cette loque fiévreuse

Qu’est mon être vaincu, magnifique et sanglant.

Les peines d’amour ne datent pas d’hier et elles sont toujours aussi cruelles. Ce poème de Jovette Bernier, datant de 1932, en témoigne.

1. Qu’est-ce qui vous plait ou ne vous plait pas dans ce poème ?

 

2. Si les peines d’amour n’ont pas d’âge, la manière de parler de la souffrance qu’elles provoquent change avec les époques. Relevez les mots ou expressions montrant une façon d’exprimer sa douleur, sa peine, qu’on n’utilise plus de nos jours.
 

3. Quels sont les deux procédés utilisés dans ce poème de forme classique et que la poésie moderne a abandonnés ?

 

4. Qu’y a-t-il de très actuel malgré tout dans le contenu de ce poème ?  

 

5. Lisez un poème de rupture amoureuse d’un ou une poète contemporaine (par exemple, le poème de Renée Gagnon, « Steve McQueen (mon amoureux) », celui d’Erika Soucy, « je n’arrive pas à faire… » ou encore « Les peines d’amour » de Bertrand Laverdure) et comparez ce poème avec celui de Jovette Bernier. Transposez ce qui vous émeut dans le poème contemporain à votre récitation du poème de Jovette Bernier et rendez cette même émotion à travers ces mots d’autrefois.

 

Activité d’écriture

Écrivez un poème de rupture amoureuse commençant ou se terminant par « J’abdique tout ».
 

 

Liens utiles

 

Portrait de la vie de cette femme d’exception sur Wikipedia

Extrait du célèbre téléroman Rue de l’anse, écrit par Jovette Bernier

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Référence bibliographique

Jovette Bernier, « J’abdique tout », Les masques déchirés, Albert Lévesque, 1932.

Si vous êtes détenteur des droits afférents à ce poème ou connaissez la personne qui l’est, merci de nous contacter : info@lesvoixdelapoesie.ca.

Commencez ici :