Journées dans des jours
Vécus à peu près,
Heures sans amour
Mortes sans regrets,
Temps qui passe ici,
Neige sur la ville,
Boue aux pieds transis
Et temps difficiles,
C’est le vent qui monte,
Et la mer qui brise,
Et là-bas le monde
Plein de choses grises.
Rêves qu’on se dit,
Bruits qui se colportent,
Affiches qu’on lit,
Journaux qu’on apporte,
Oiseaux noirs dans l’air,
Mauvaises nouvelles
Venues de la mer
Ou tombées du ciel ;
Puis trous qui se font
Dans la foi qu’on a,
Neige qui se fond
Sur des rêves froids,
Raisons qu’on se fait
Ou bien qu’on se donne,
Du faux ou du vrai
Dans l’heure qui sonne,
Lors jours dans des jours,
Ainsi, mais si las,
Vécus tour à tour,
Espoir haut ou bas,
C’est chagrin qui monte
Et cœur qui se brise,
Ici dans un monde
Plein de choses grises.
Elskamp, Max, « Dans le commun des jours III », Sous les tentes de l’exode, dans La poésie francophone de Belgique, 1903-1926, Liliane Wouters et Alain Bosquet, Bruxelles, Académie royale de langue et de littérature françaises, 1992 [1921].