Comme un qui s’est perdu...

Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde

Loin de chemin, d’orée et d’adresse, et de gens :

Comme un qui en la mer grosse d’horribles vents,

Se voit presque engloutir des grandes vagues de l’onde :

Comme un qui erre aux champs, lors que la nuit au monde

Ravit toute clarté, j’avais perdu longtemps

Voie, route et lumière, et presque avec le sens,

Perdu longtemps l’objet, où plus mon heur se fonde.

Mais quand on voit, ayant ces maux fini leur tour,

Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,

Ce bien présent plus grand que son mal on vient croire.

Moi donc qui ai tout tel en votre absence été,

J’oublie, en revoyant votre heureuse clarté,

Forêt, tourmente et nuit, longue, orageuse, et noire.

Référence bibliographique

Jodelle, Étienne, « Comme un qui s’est perdu… », Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1965-1968 [vers 1560].

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