Tu dors tête claire

Le vent parle dans la toison brouillée

D’un arbre au front d’argent qui brille,

Un tilleul jeune au seuil de l’ombre

Comme une fille bouclée.

 

La vie a le goût de pomme et de miel.

Ô rivière multipliée

Dans la clarté d’une bouche aimée

Mieux que l’aurore et le ciel.

 

                                    *

 

Tu dors tête claire,

Ton rêve est la fraîche rivière entre les feuilles,

Ô miroir matinal, buée verte,

Tu viens sous le lierre et le vent

Comme une maison douce pour vivre ...

 

Sans chemin, sans retour la porte s’ouvre,

C’est un mur clair qui se donne,

Une eau s’endort avec le miel de la lumière,

Les chambres sont des forêts ensoleillées

Et les vitres des brumes blanches.

 

Le matin penche comme une fougère,

J’écoute au loin les cascades tomber.

Ton souvenir est une voix légère,

L’air se partage avec l’éternité.

 

Je suis un cerf debout sous les feuillages,

Ta bouche a fraîchi douce entre mes lèvres,

L’appel du vent caresse ton visage,

Tu trembles comme une branche dans son rêve.

 

Ô sommeil, toile immobile dans ma tête !

Je marche près des haies blanches, je salue l’ombre,

L’ange léger s’envole avec le vent,

Les rochers brillent dans l’air comme des voiles.

 […] 

Référence bibliographique

Chessex, Jacques, « Tu dors tête claire », Batailles dans l’air, Lausanne, Mermod, 1959.

Commencez ici :