quand les cargos de sel
déverseront la rue Clark
dans ses caniveaux
je n’aurai plus raison
de rester là
dans l’embrasure de la porte
où plus personne ne s’embrasse
désormais
à tous mes espoirs évidés
à mes restants de vieux siècles
je laisse mes clefs
j’accroche mes patins
sur le rebord de la rampe
et qu’on les prenne
on sait se retourner
on ne sait pas revenir
qu’on se le tienne pour dit
j’ai très peur
c’est vrai
de l’odeur du café
des caresses du chat
de ce qu’il faudra passer sous silence
pour rester actuelle
je ne suis pas d’époque
je vous en foutrais des tours de soleil
à arracher les étoiles
en faire des bijoux
pour décorer les jours
j’ai la chienne de vie épileptique
chienne de douleur
aux genoux mauves
sous les lainages raides
et le beau qui fait beau
autour
jusqu’à l’écœurement
les lumières
tordent les yeux
les rentrent
dans leurs orbites
ne plus voir
ne plus sentir
les mailles
dans l’espérance
Rose Eliceiry, « Quand les cargos… », Hommes et chiens confondus, Éditions de l’Écrou, 2011.