Si a et b sont au carré
si la neige s’additionne avec la pluie
et que mon ombre m’accompagne dans la nuit
alors je me ressemble comme deux gouttes d’homme
la Terre est plus légère que la sphère des géomètres
si le temps n’est qu’une mesure
et l’espace sans mesure
alors il nous reste le chose à chose
le présent dans sa dextérité
il nous reste les cadavres exquis
je n’ai pas demandé à passer au prud’homme
je ne recherche pas la douce quiétude des hommes
si Trois multiplie Dieu et qu’on expose les deux
ça ne donne qu’une formule impropre à la circulation
ça ne fait qu’un battant pour fermer la fenêtre
si les angles sont morts comme le temps le permet
une pierre pour ton jardin une pierre pour le mien
sachant que cinq carottes plus trois navets font huit légumes
vingt-deux morts soixante blessés font quel type de week-end?
trois famines et deux guerres forment quelle figure humaine?
Si l’on applique un théorème mathématique bien connu à d’autres domaines, on aura la preuve par l’absurde de la puissance et de l’insuffisance du langage.
1. À quel théorème mathématique le titre « Les carrés de l’hypoténuse » fait-il référence?
2. Par quels procédés stylistiques chacune des strophes reprend-elle la structure de ce théorème?
3. Relevez, dans chaque strophe, les différents champs lexicaux qui se télescopent et décrivez les émotions qui naissent de ces rencontres inédites entre l’univers scientifique et d’autres univers.
4. Les deux derniers vers changent de ton par rapport au reste du poème. Quel effet cette rupture dramatique avec le registre d’humour absurde qui teintait les précédents vers produit-elle ? Peut-on vraiment se servir de calculs quand on évoque les vies humaines?
5. Dans votre interprétation orale du poème, alternez le ton neutre d’une explication mathématique et le ton des émotions que vous avez décelées en répondant aux question 3 et 4. Donnez ainsi du relief aux zones sensibles de ce poème.
Activité d’écriture
Choisissez un autre théorème et servez-vous de sa structure pour composer un poème, additionner, soustraire ou multiplier vos propres images. Laissez-vous surprendre par ce qui surgit de ces détournements de langage.
Lien utile
Portrait de Jacques Rancourt par Cécile Oumhani : découvrez les préoccupations récurrentes qui parcourent son œuvre.
Jacques Rancourt, « Les carrés de l’hypoténuse », Veilleur sans sommeil, Montréal, Éditions du Noroît, 2010.