Laure Morali
Biographie
Pour Laure Morali, la poésie vit au pays de l’enfance et les mots polis par l’eau font naître des oiseaux. Laure aime transmettre le goût des poèmes. Les ateliers de poésie qu’elle anime dans les écoles et les bibliothèques depuis de nombreuses années ont donné des fruits tels que l’anthologie Nin auass/Moi l’enfant (codirigée avec Joséphine Bacon, Prix Poésie de l’Association québécoise des professeur.e.s de Français en 2022) et l’album Mingan mon village, poèmes d’écoliers innus (Prix jeunesse des libraires en 2013).
Ses recueils de poèmes pour la jeunesse Mots polis par l'eau et Désobéissons (poème dialogué avec Joséphine Bacon) ont paru dans la collection Petit va ! du Centre de Créations pour l'enfance.
Auteure du conte poétique et film d’animation La P'tite Ourse, Laure Morali a par ailleurs publié de nombreux récits et recueils de poèmes, comme La terre cet animal, qui plaisent autant aux adultes qu’aux enfants. Elle vit à Montréal.
Le souffle des éléments, la transmission de savoirs anciens, le pouvoir des mots et la transformation des êtres traversent son œuvre. Motifs que l’on retrouve dans ses recueils de poèmes Orange sanguine (Mémoire d'encrier, 2013) et Personne seulement (Mémoire d'encrier, 2023), aussi bien que dans ses textes en prose, La route des vents (La Part commune, 2015 et 2002), Traversée de l'Amérique dans les yeux d'un papillon (Mémoire d'encrier, 2010), Comment va le monde avec toi (2013) et En suivant Shimun (Boréal, 2021), traduit en anglais par Howard Scott sous le titre Following Shimun (Mawenzi House Publishers, 2024). Ses textes ont été traduits en espagnol, anglais, slovène, polonais, innu-aimun et mandarin.
Les multiples racines et enracinements de Laure Morali sont à l’origine de la plupart des projets littéraires qu’elle a menés en leur confiant la fonction de créer des ponts, de favoriser les dialogues entre cultures pour permettre une meilleure connaissance des uns et des autres, comme en témoigne l’anthologie de correspondances littéraires Aimititau ! Parlons-nous ! (Mémoire d’encrier) qu’elle a initiée et dirigée en 2008 (réédition en 2017).
Laure a également réalisé des films documentaires, parmi lesquels L’ours et moi, portrait de l’écrivain N. Scott Momaday, Les filles de Shimun et Les femmes naissent dans les coquillages.
Son site : http://lauremorali.net
Entrevue
Oui, je lisais beaucoup de la poésie à l’école.
À l’école primaire, nous apprenions des poèmes par cœur et les récitions devant la classe.
Je me souviens en particulier de : « La chanson des escargots qui vont à l’enterrement » de Jacques Prévert.
J’ai commencé à écrire de la poésie vers l'âge de sept ans et j'ai continué, entraînée par la musique des vagues qui m'accompagnait dans mes promenades autour de la presqu'île dans laquelle j'ai grandi, en Bretagne. Cela a pris beaucoup de pages et de carnets noircis avant que je me considère comme poète. J'ai commencé à entrevoir cette possibilité en 1993, lors de ma maîtrise en création littéraire à l’Université du Québec à Montréal, année pendant laquelle ma pratique d’écriture est devenue quotidienne.
Le poète prend soin du langage. Il le nettoie de tous les lieux communs. Il le rend neuf et fait entendre la puissance interne de chaque son, pour créer une musique qui nous transforme. Le poète fait dire aux mots des choses que personne avant lui n’avait jamais dites. Tout en donnant l’impression de jouer avec les mots, le poète travaille à redonner au langage sa dimension sacrée. Écrire permet de faire circuler le souffle du monde dans l’enveloppe des mots et, comme les mots font partie de notre corps, la poésie aide à mieux respirer. L’Autre entre dans le texte, notre regard se lave. L’écriture est le seul pays où il fait bon se sentir étranger. Le poète s’enfonce dans le silence, creuse le temps et recueille les traces infimes d’émotions passagères qu’il rend éternelles. « À l’image d’une rivière peu profonde dont on voit le lit de sable fin », la légèreté fluide dépeinte par Bashô s’éprouve pas à pas, avec l’intuition du temps et des frictions nécessaires aux rochers pour se changer en poussière soyeuse. Les mots polis par l’eau font naître des oiseaux qui portent des messages jusqu’au ciel. La poésie vit au pays de l’enfance. En chaque enfant sommeille un maître en poésie. Le poète ouvre une fenêtre sur le monde, celui qui nous enveloppe comme celui que nous portons à l’intérieur de nous-mêmes.
L'eau de cologne de ma grand-mère, son regard brûlant, la couleur des fruits qui lui rappelaient sa terre natale (les Aurès en Algérie), ainsi que ses bracelets en forme de serpents qu'elle tenait de ses grands-mères m'ont inspiré ce poème J'ai voulu creuser dans sa mémoire lointaine en prenant appui sur des souvenirs légers de l'enfance. Les orangers est un poème inspiré par de mystérieux liens de sang, entre détermination et nostalgie, puissance et impuissance. L'amour qui traverse les générations est un puits sans fond.
« Je ne trouve pas toujours... » de Louise Dupré