L’Arpentée (extrait)

Légèreté, légèreté, je t'appelle

Je te donne en secret un nom d'oiseau

Je te nourrirai dans ma paume avec le meilleur de moi-

même

J'abandonnerai mes lourds vêtements

je te laisserai rompre du bec les attaches usées mais

tenaces

les dépouilles mortes qui encombrent le champ du ciel

J'aurai pour toi le bleu soyeux des étangs du désir

J'attiserai le feu qui consume

Je brûlerai les oripeaux pendus à mon coeur,

viandes flasques pourvoyeuses de pourriture

sang sale virant au noir

attirant mouches et vers voraces.

 

Légèreté légèreté

Je chanterai pour toi un air soufi jamais entendu

J'inventerai dans ma gorge une coulée de miel né des

roseaux

un souffle sûr

porteur de messages clairs

un souffle vaste autant que ferme

sur lequel nous embarquerons

et tu m'enseigneras l'art et le savoir-ailé

Le pur-ici sans poids

la transparence cachée sous tes paupières

au centre de ton iris

de mésange de rouge-gorge de libellule de grenouille de

lézard couleuvre vairon cétoine abeille grillon vanesse chat

lapin chien folâtre

de ton iris de nouveau-né 

un instant surpris

dans l'enchantement dérobé

du monde.

Référence bibliographique

Françoise Ascal, «L'Arpentée», Issues, Rennes (France), Éditions Apogée, 2006, p. 74.

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