il y a des volcans qui se meurent
il y a des volcans qui demeurent
il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent
il y a des volcans fous
il y a des volcans ivres à la dérive
il y a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent
il y a des volcans dont la gueule émerge de temps en temps
véritables chiens de la mer
il y a des volcans qui se voilent la face
toujours dans les nuages
il y a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatigués
dont on peut palper la poche galactique
il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments
à la gloire des peuples disparus
il y a des volcans vigilants
des volcans qui aboient
montant la garde au seuil du Kraal des peuples endormis
il y a des volcans fantasques qui apparaissent
et disparaissent
(ce sont jeux lémuriens)
il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindres
les volcans qu’aucune dorsale n’a jamais repérés
et dont de nuit les rancunes se construisent
il y a des volcans dont l’embouchure est à la mesure
exacte de l’antique déchirure.
« Dorsale bossale » in Moi, laminaire... de Aimé Césaire © Éditions du Seuil, 1982, extrait du recueil Cadastre suivi de Moi, laminaire... disponible aux Éditions Points (2006).
Avec l’aimable autorisation des Éditions du Seuil.