Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse

Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine

A comme l’Océan son flux et son reflux :

Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,

Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus.

 

Vos yeux ont des appas que j’aime et que je prise,

Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté :

Mais pour me retenir, s’ils font cas de ma prise,

Il leur faut de l’amour autant que de beauté.

 

Quand je pense être au point que cela s’accomplisse,

Quelque excuse toujours en empêche l’effet :

C’est la toile sans fin de la femme d’Ulysse,

Dont l’ouvrage du soir au matin se défait.

 

Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire

De me l’avoir promis et vous rire de moi,

S’il ne vous en souvient vous manquez de mémoire,

Et s’il vous en souvient vous n’avez point de foi.

 

J’avais toujours fait compte, aimant chose si haute,

De ne m’en séparer qu’avecque le trépas,

S’il arrive autrement ce sera votre faute,

De faire des serments et ne les tenir pas.

Référence bibliographique

Malherbe, François, « Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesses », Œuvres, Paris, Gallimard, 1971 [vers 1610].

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