Une femme de verre aux tombeaux étonnés
semant sapins et sources sur la matière bleue
d’un pays sans nom
creusant l’étroit passage qui abritera
ses songes de cendre
ses visages :
Une fille petite à la peau d’hyène
Une femme-pendule qui fait briller
les ventres noirs des caveaux
Mon enfant malade du cœur qui
habite la flamme bleue du givre
et l’âge d’or des os dévorés par pitié
par habitude
Toutes
droites sous la poussière, Anne ma sœur, Anne
le regard des morts irriguent toujours pages et cités
et moi qui passe
mon sang n’a plus
la danse sauvage d’une rivière de Kamouraska
mes avidités se suivent et se ressemblent
mais l’île demeure l’espace
où se jouent les murs et les langues
Les cris jaune pâle des fous de Bassan
me vieillissent de mille ans
et à chaque résistance
l’ondulation
de chacun de leurs vols
bénit la terre
et bâtit le temple
de la Fascination
À Anne Hébert
Judith S. Pointejour, « Anne ma sœur, Anne », Terre de femmes — 150 ans de poésie féminine en Haïti, Éditions Bruno Doucey, 2010.