Venise

Dans Venise la rouge,

Pas un bateau ne bouge,

Pas un pêcheur dans l’eau,

            Pas un falot.

 

Seul, assis à la grève,

Le grand lion soulève,

Sur l’horizon serein,

            Son pied d’airain.

 

Autour de lui, par groupes,

Navires et chaloupes,

Pareils à des hérons

            Couchés en rond,

 

Dorment sur l’eau qui fume

Et croisent dans la brume

En légers tourbillons

            Leurs pavillons.

 

La lune qui s’efface

Couvre son front qui passe

D’un nuage étoilé

            Demi voilé.

 

Ainsi, la dame abbesse

De Sainte-Croix rabaisse

Sa cape aux vastes plis

            Sur son surplis.

 

Et les palais antiques

Et les graves portiques

Et les blancs escaliers

            Des chevaliers,

 

Et les ponts et les rues,

Et les mornes statues,

Et le golfe mouvant

            Qui tremble au vent,

 

Tout se tait, fors les gardes

Aux longues hallebardes

Qui veillent aux créneaux

            Des arsenaux

Référence bibliographique

Alfred de Musset, (1810-1857), « Venise », Contes d’Espagne et d’Italie, 1830.

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