Vale

La grande amour que vous m’aviez donnée

Le vent des jours a rompu ses rayons —

Où fut la flamme, où fut la destinée

Où nous étions, où par la main serrée

                        Nous nous tenions

 

Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée

L’orbe pour nous de l’être sans second

Le second ciel d’une âme divisée

Le double exil où le double se fond

 

Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,

Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu

L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte

L’extrême instant de notre seule étreinte

                        Vers l’inconnu.

 

Mais le futur dont vous attendez vivre

Est moins présent que le bien disparu.

Toute vendange à la fin qu’il vous livre

Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre

                        Du vin perdu.

 

J’ai retrouvé le céleste et sauvage

Le paradis où l’angoisse est désir.

Le haut passé qui grandit d’âge en âge

Il est mon corps et sera mon partage

                        Après mourir.

 

Quand dans un corps ma délice oubliée

Où fut ton nom, prendra forme de cœur

Je revivrai notre grande journée,

Et cette amour que je t’avais donnée

                        Pour la douleur.

Référence bibliographique

Catherine Pozzi, « Vale », Œuvre poétique, Éditions de la différence, Paris, 1988 [1926].

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