dans le seul
écrire dans le seul
le seul bien plus que la solitude
dans le seul
je nettoie
car je suis préoccupé de la tenue de la langue
dans le seul je m’en fais
pour le plus reculé
de la langue
dans le seul
je tire la langue
à la langue
et je ne fais pas d’entente avec le sens
je l’ai cité à comparaître
le sens
et me suis logé dans l’écart qu’il offrait
leurre d’un seuil
mensonge premier d’un mot de passe
en langue étrangère
car ce dialecte instable et venteux exige des poumons
nouveaux dont j’ignore toujours le tissu
et le rythme, la couleur et
le chant, les arrière-plis et les
entresols
dans le seul
j’écris dans le seul
recroquevillé dans le seul
recroquevillé dans la langue
recroquevillé dans le nom
comme la vague en sa suivante
éhontée
comme la poussière
dans l’humilité de la poussière
comme le vent simple
dans toute la prétention du vent simple
dans le seul
j’écris
comme on ment à un mourant
et qui le sait
Quelle différence entre écrire seul et écrire solitaire ?
1. Comment un poème peut-il ouvrir la tête d’un poète ?
2. Dans la première strophe du poème, le locuteur est préoccupé de la tenue de la langue ; identifiez des affirmations et des interrogations au sujet de la tenue de la langue ?
3. Le locuteur dit tire(r) la langue / à la langue et il dit ne pas faire d’entente avec le sens. Est-ce que ces affirmations vous permettent d’établir une différence entre la langue courante et la langue poétique ?
4. La deuxième strophe du poème comporte plusieurs répétitions et quatre comparaisons, ces figures de style créent un effet de déferlement dans l’esprit du lecteur. Pouvez-vous parler de cet effet de déferlement si semblable à celui de la vague en sa suivante ?
5. Si vous aviez à réciter ce poème, pensez à deux vitesses appropriées pour faire entendre les préoccupations et les effets de style du poème.
Exercice d’écriture
J’écris une vague en sa suivante : écrivez un court poème de deux strophes au sujet des vagues. Dans la première strophe, décrivez les vagues à l’aide du verbe imaginer à l’infinitif et dans la deuxième strophe faites parler les vagues à l’aide du verbe imaginer à l’indicatif présent.
Liens utiles
- Entrevue de Yannick Marcoux avec Normand de Bellefeuille parue dans Le Devoir le 22 février 2020. Plusieurs passages sont en lien avec le métier du poète et par extension, la lecture de la poésie.
- Un article d’Hector Ruiz sur la lecture et l’enseignement de la poésie paru dans Lettres Québécoises : DÉCORTIQUER LA POÉSIE QUÉBÉCOISE | DOSSIER Incomplet permanent.
Normand de Bellefeuille, « J’écris dans le seul », Mon nom, Éditions du Noroît, Montréal, 2009.