On sait qu’il y aura du sang partout. Puis, la grande immobilité. Après la casse, sur la route, si on s’approche assez pour voir, on me reconnaîtra.
Je serai là, couchée dans ma patience. Bout de ferraille séparé de la carcasse. Les diamants de la route seront nettoyés, sans triage. On embarquera les débris, des plus gros aux plus petits, et la voie sera libre à nouveau. On continuera de circuler entre la frange des arbres et les lignes de peinture jaune. De rouler, jusqu’à la prochaine catastrophe.
Seuls les sans brûlures croiront, naïfs, au leurre d’être épargné. Les autres savent. S’élancent, éprouvent et puis attendent.
Savoir et puis attendre. C’est à peu près à cela, que tout se résume.
Monique Deland, « Devant derrière » (extrait), Miniatures, balles perdues et autres désordres, Éditions du Noroît, 2008, p. 19.