Biographie
La poète, romancière et professeure québécoise Louise Dupré (1949 - ) a enseigné pendant vingt ans la création littéraire à l’Université du Québec à Montréal. Membre de l’Académie des lettres du Québec, de la Société royale du Canada et de l’Ordre du Canada, elle a reçu à deux reprises le Grand Prix Québecor du Festival International de la Poésie et, à deux reprises aussi, le Prix de poésie du Gouverneur général. Traduite en une quinzaine de langues, sa poésie révèle un souffle et un lyrisme hors du commun, témoins d’une réflexion féconde sur l'intime et le politique. Louise Dupré nous montre que, même dans l’abîme de l’horreur, il est possible de trouver une voix réparatrice. En 2020, son recueil Plus haut que les flammes a fait l'objet d'un long métrage réalisé par Monique LeBlanc et produit par l'Office National du Film du Canada. Son dernier recueil, Exercices de joie, est paru en 2022 aux Éditions du Noroît à Montréal et aux Éditions Bruno Doucey à Paris.
Entrevue
Nous apprenions la littérature par le biais d’un manuel qui s’intitulait le Lagarde et Michard. J’ai lu des poèmes de Villon, de Ronsard, de Baudelaire, de Verlaine, de Victor Hugo, d’Alfred de Musset, etc. Mais nous ne lisions pas de poètes québécois et ce n’est qu’à l’université que j’ai découvert la poésie d’Anne Hébert, de Saint-Denys Garneau, de Rina Lasnier, de Fernand Ouellette.
Le premier poème qui m’a marquée au collège est « La ballade des pendus » de François Villon.
J’ai commencé à écrire quand j’étais adolescente. J’écrivais des poèmes sur mon idéal amoureux et la déception que je ressentais à ne pas trouver l’amour que j’aurais voulu vivre. J’ai continué à écrire de la poésie intimiste en ouvrant mon imaginaire à la réalité ambiante : l’amour, bien sûr, mais aussi la ville, la nature, la guerre, la mort, etc. Il m’a fallu écrire plusieurs recueils de poésie avant de me considérer comme poète. Ce « titre » m’intimidait...
Le travail du poète est de regarder le monde de son propre point de vue, sans s’appuyer sur ce qu’on dit à la télévision ou sur ce qu’on lit dans les journaux ou sur Internet. Le poète est comme un peintre qui montre ce qu’on ne remarque pas habituellement, il dévoile des aspects de la réalité qui nous échappent. Cela implique de trouver une façon personnelle d’aborder la langue, de la faire parler, de la faire résonner par la création de figures, par une attention constante au rythme et aux sonorités. Le poète est un magicien qui essaie de tirer de son texte des effets inédits.
Mes poèmes partent habituellement de quelques mots ou d’une proposition. Ici, c’est « Le matin se lève toujours trop tôt », proposition qui a un sens évocateur pour le rêveur ou la rêveuse qui ne veut pas se lever afin que la nuit se prolonge, qu’il ou elle puisse continuer à rêvasser. Une fois ce premier vers écrit, je me suis demandé à quoi je rêvais quand j’étais adolescente. Je rêvais à l’avenir, je me demandais qui allait venir dans ma vie, qui j’allais aimer, qui allait m’aimer, comment je reconnaîtrais la personne dont je deviendrais amoureuse. Et j’ai écrit ce poème peu à peu, vers à vers, en essayant de préciser ma pensée. Dans chaque poème, j’essaie de laisser les mots dériver pour que le sens surgisse de l’écriture, qu’il ne soit pas imposé au point de départ. Mais, à la fin, le poème doit avoir trouvé un centre. Il faut se relire et se demander si le poème a une unité...
Je choisirais « En guise de fête », d’Anne Hébert. Anne Hébert est une poète marquante au Québec et j’admire son écriture, très travaillée sous son apparente simplicité. C’est une écriture à la fois allusive, précise et rigoureuse, ce que je recherche dans ma propre poésie. Dans ce poème, elle arrive à évoquer des sentiments profonds et complexes grâce à des images efficaces, mais qui ne sont jamais forcées. Anne Hébert ne vise jamais le tape-à-l’œil... Je l’avoue avec un sourire plein d’envie : j’aimerais avoir écrit ce poème...