Biographie
Carole David (1954 - ) est une poète et écrivaine québécoise qui a remporté les honneurs du Prix Émile-Nelligan et du Prix des Terrasses Saint-Sulpice de la revue Estuaire. Son langage poétique complexe et frappant porte une enquête sur la structure poétique même, et souligne l’abîme entre la voix écrite et la voix réelle. Allant de la transparence à l’énigme, ses poèmes sollicitent l’accession à la vie, l’ouverture au monde, et le défi de l’amour. Les émotions fortes parsèment ses poèmes et apparaissent à travers des thèmes quotidiens. Sa poésie réside dans le vertige du vivant.
Entrevue
J’ai commencé à lire de la poésie au secondaire. Les premiers poètes dans mes cours de latin et les premiers poèmes d’Ovide, L’art d’aimer et Les métamorphoses, ça m’a marquée. Chez les religieuses, nous lisions la poésie des livres saints et Félix Leclerc. Au cégep, je lisais les surréalistes français. Chez mes parents, il n’y avait pas de livres de poésie alors c’est à l’école que j’en ai lu.
J’ai commencé à écrire sérieusement à la mi-vingtaine. Je n’avais pas confiance en moi, mes études universitaires étaient très théoriques, bien loin de la création. J’ai publié mon premier recueil à 32 ans, je ne m’attendais à rien et j’avais très peur. J’étais bien loin de l’inconscience des vingtenaires ! Et puis ce premier recueil a gagné le Prix Nelligan, ce qui a fait en sorte que je me considère un peu plus comme une poète. Mais j’ai toujours eu le syndrome de l’imposteur. C’est surtout dans la quarantaine-cinquantaine que j’ai accepté de reconnaître le fait que je pouvais être une poète.
Le « travail » du poète c’est de résister, de transformer. La poésie est aussi une pensée, ce n’est pas juste renouveler les formes. Le « travail » du poète c’est aussi s’afficher, s’affirmer dans l’écriture poétique pour aller à l’encontre de la facilité et de la communication instantanée et rapide de notre époque. C’est surtout créer un monde, redécouvrir les mots et les choses.
J’ai toujours eu une grande admiration pour les deux poètes en question, Sylvia Plath et Anne Sexton, qui appartiennent à celles qu’on appelle les « filles suicidées ». Je me suis servi du poème pour les mettre en scène dans une rencontre fantasmée dans un hôtel de Boston en train de parler d’écriture en buvant des martinis à une époque ou être une poète femme, ce n’était pas évident. Cette rencontre n’est pas si impossible que ça puisque j’ai lu qu’elles se sont déjà rencontrées dans un atelier d’écriture. C’est donc un poème fantasmé avec deux écrivaines très importantes dans mon parcours. J’ai écrit ce poème pour leur rendre hommage.
Le poème de Catherine Pozzi, « Ave ». J’aime beaucoup cette poète française et « Ave » est un poème comme une prière qui me rappelle le travail des mystiques qui est un autre premier contact que j’ai eu avec la poésie : les écritures de saintes et de saints que j’avais lues quand j’étais au pensionnat. C’est un peu vieillot et archaïque, très loin de ce que j’écris et puisque ça ne me ressemble pas, ça me fascine. Je l’apprendrais par cœur parce que c’est tout un défi aussi.