Signes des hommes

Signes des hommes, voici pour vous mes nuits.

 

Langue, sois-moi toutes les langues !

Cinquante langues, monde d’une voix !

 

Le coeur de l’homme, je veux l’apprendre en russe, arabe, chinois.

Pour le voyage que je fais de vous à moi

Je veux le visa

De trente langues, trente sciences.

 

Je ne suis pas content, je ne sais pas encore les cris des hommes en japonais !

 

Je donne pour un mot chinois les prés de mon enfance,

Le lavoir où je me sentais si grand.

 

Signes

 

De minuit jusqu’à l’aube, épanouie,

Parmi les fleurs tapies, puis épanouies,

Mi-vie, puis survie, vie, outre-vie !

 

Contre les tourments d'esprit

Les fléchettes du sanscrit !

 

Contre l’âme en désarroi

Les figures du chinois !

 

Toutes les pierres delà

Les murs où je veille, pâle,

Bougent en ébats de pas !

 

Actrice nue, sans causer d’émoi, l’âme,

Pour le monde manquant de voix,

Hausse sa voix

(sans causer d’émoi).

 

L’âme répète sa voix,

Très bas, sans causer d’émoi,

Pour le monde manquant de voix.

Référence bibliographique

Armand Robin, « Signes des hommes », Ma vie sans moi, Paris, Gallimard/Poésie, 1970.

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