ils roulent à cent vingt à l’heure
sur une route de campagne
ils ne sont pas prudents
ils ont oublié de l’être
ils sont grisés
ils ont ouvert les fenêtres
le vent s’engouffre
et se mélange à de la musique forte
ils continuent de rouler vite
en chantant sur la musique forte
ils boivent aussi des bières
(les bières et la musique forte sont deux choses
qui marchent bien ensemble)
la route est droite
extrêmement droite
avec des arbres plantés de chaque côté
puis elle tourne
pas eux
ils vont tout droit
tout droit
dans un arbre planté en bordure de la route de campagne
ils s’écrasent sur l’arbre
le choc est fort
ils perdent leurs bières dans le choc fort
et la musique s’arrête net
leurs têtes rentrent dans le pare-brise
malgré le coussin qui sort du volant
malgré le coussin qui sort de la boîte à gants
ils saignent
partout
certains n’ont plus de visage
ils ne bougent plus
ils restent sans bouger
pendant un moment indéterminé
des sirènes retentissent
ils sont encerclés
par ceux qui connaissent la situation
ils sont dégagés de l’arbre
par ceux qui connaissent la situation
ils sont transportés
par ceux qui connaissent la situation
ils reprennent la route de campagne
à cent vingt à l’heure
sans bière et sans musique
juste les sirènes
Natyot, « ils roulent à 120 à l'heure », Ils : défaut de langue, Boucherie littéraire, 2021.