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Des vers qui n’ont pas de mètre régulier.
je voulais te dire
mon visage manque
d’un tas de choses
qui t’appartiennent
*
à qui le nez
qui les yeux
les oreilles
viens on va aller se promener
je vais te pointer tous les endroits où j’aurais voulu être du temps
que toi tu y étais
ça fera des tracés, une carte, notre Lonely Planet personnel
Ma terre je la prendrai dans ma main
je la soignerai
avec un pan
ma jupe
essuiera ses larmes noires
mes cheveux ses joues creuses
je la bercerai en ses tremblements
je ne dors plus
Le fracas des âmes ne parvient pas
à l’oreille du gardien des flammes
il se brise sur la vitre qui nous sépare
nous emprisonne dans le visible
J’ai donné des sous aux mendiants
mais les oreilles, les narines, les poumons
les yeux et la bouche de l’enfant
ouverts très grands
je ne les ai pas vus
les poèmes
je les ai tus
Ici vit le Noir la peur au ventre
Cette peur sans cesse refoulée
Sans cesse remise en lumière
L’Amérique en moi
C’est une partie de ma peau
La rumeur la plus sourde
Je viens de t’abattre à la sortie du motel.
Tu es demeuré vivant, mais vieilli ;
des résidus de chlore ornent tes yeux.
Comme si ce n’était pas assez,
j’ai réentendu ta voix blonde :
Ils sont gorgés d’eau, tous et chacun,
comme des salades, et plutôt
ravagés,
marqués par le cours des choses,
sales.
Dieu sait que je les aurai voulus autres —
Bleue était la neige
comme la ville et les mains qui échappent
tant et tant de rires
pour toi j’aurais voulu parler
toute la nuit
que tombe et retombe la neige
sans dire au revoir jamais
À Cristina Campo
Ce sont mes voix qui chantent
pour qu’ils ne chantent pas, eux,
les muselés grisement à l’aube
les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.
Les toilettes chimiques de Sani Mobile
occupent le coin à l’entrée de l’ensemble résidentiel
il y en a de multiples couleurs
pour autant d’états d’âme
un état d’âme peut aussi être en opposition
Sur la rue Sainte-Agathe
pas de chiens
des statuettes victoriennes, des marguerites
une maison orange et bleue, des serviettes roses sur le balcon
un homme aux cheveux blancs à l'autre bout du paysage
Aujourd’hui j’ai vu
comment meurt une ville
et j’ai été abandonnée
et je suis partie
et de rien
et je reviens d’un long voyage
mais par où commencer
par où
En novembre, un nouvel incendie a ravagé l’usine des vêtements de l’ouest.
Les neuf étages de l’enfer se sont écrasés sur les ouvriers du pays des terres inondées.
m : salut
l : salut
m : c’est ta bête
l : je sais
m : ça va?
l : ça va
l : toi?
m : ça va
le soleil rince la première herbe
du dégel
tes mains pèsent
à l’endroit du cœur
à la place des neiges
sont légères
tes mains
si je ne touche pas les lignes du trottoir
si je me rends au troisième lampadaire sans
m’arrêter de courir
tout va bien aller
ça n’existe pas c’est dans ma tête
je n’arrive pas à faire
comme dans les livres arlequins
parce qu’il y avait tes chansons
qui berçaient les cadavres
tqs dans le noir
le vent joue avec moi comme il parle aux feuilles
tous les jours je me dirige vers le jardin de la gare je songe à
l’énigme de mes gestes pense oui mais je dis non un court-cir-
plus grands que nos corps
nous ne dormons plus
qu'à la verticale
quand la nuit se referme
sur nos peaux en état d'alarme
nous pratiquons des entailles
Je m’enfoncerai dans les trous de la plaine
dans la tourbe où s’encaquent les errances effrayées des bisons
meuglant la découverte limitrophe de l’immense pays azuré.
Il y a des jours où je revois Sudbury
dans l’asphalte craqué des rues de Saint-Boniface.
La mémoire s’écoule comme la noirceur de la ville où j’ai grandi
Avant que le vent ne défeuille la vallée
je remonte tous les jours dans mon arbre
car l'odyssée tire à sa fin
à bord de mon vaisseau rouge
du haut de mon vieux pin
j'ai repéré la Croix du Sud
Ma grand-mère a murmuré :
Ton grand-père est vieux comme le chemin.
Seul dans sa chambre,
il lit le journal.
Je voudrais le bercer,
petit corps
Je ne trouve pas toujours
les phrases
pour décrire la lumière
accrochée au rideau de ma chambre
ou les notes d’une chanson
dans mon oreille
Alors je lis des poèmes
avec des images
Il y a les larmes des folles tristesses
et des peines minuscules
celles de la colère
plus pointues que des couteaux
plantés dans la poitrine
les larmes d’impuissance
si on me punit
Je ferme les yeux
Un rayon de soleil
Pénètre mes paupières
Infrarouge
Un filet de sang
Fait son chemin
Hors de moi
Chaque fois
Dans la cuisine
ma mère recousait des ailes
rapiéçait des membres
ma mère était une magicienne
elle faisait des costumes
des armures avec des pattes
des pyjamas pour chiens
j'ai passé ben du temps
au téléphone pour faire taire mes rêves
la planète était toute tendue
La pluie me suit.
Je fuis comme un bruit.
Le bruit s’éloigne de sa naissance.
Comme tu sembles calme…
L’ange qui marche obstinément derrière toi
D’un soleil …
là dans la torpeur de la cour nous aurions arrosé le riz de senteurs de haricots ou de champignons noirs de membres de gallinacées et d’effluves de citronnelle
J’écris comme on consulte un album de photos
une photographie, c’est l’existence au plus-que-parfait du subjonctif
à l’imparfait du subversif, du disjonctif
assis sur la muraille en fleur de mes limites
je regarde sérieusement dans son moment donné
oh le cadeau de vent woups l’allure de l’éternité
Fès, mamie
mon imprécatrice chauve
aux talons gercés dans la boue de l’hiver
j’en veux
encore, toujours plus, insatiable
je veux les remuer à la pelle
C’est la guerre
c’est très excitant
J’habite un espace où le froid triomphe de l’herbe, où la grisaille règne en lourdeur
…
Sylvia et Ann boivent des martinis dans le bar
d’un hôtel à Boston. Leurs robes aux motifs soyeux
s’enroulent autour de leurs doigts ; elles se demandent
barque funéraire
sans rame
avec le mort étendu sur une table basse
les chevals sont des animals doux et calmes
quand ils vont contents de se bien chevaucher
un petit cheval vient pour l’autre galopade
cuir rouge
peau verte
soupe aux pois jaunes du Québec
Au bout du quai
déjà
ce n’est plus la terre
L’enfant qui jouait le voilà maigre et courbé
L’enfant qui pleurait le voilà les yeux brûlés
L’enfant qui dansait une ronde le voilà qui court après le tramway
Est-ce déjà l’heure
Ma tendre peur
Est-ce l’heure l’heure