Biographie
Écrivaine et artiste, Stéphanie Filion a fait paraître quatre recueils de poésie aux éditions du Lézard amoureux : Coeur mémoire (2023), Jeanne Forever (2018, avec Valérie Forgues), Nous les vivants (2015) et L’Orient, Louisiana (2013). Elle a également publié un roman, Grand Fauchage intérieur (2017), et des carnets, L’Almanach des exils (2009) avec Isabelle Décarie. En tant qu’artiste collagiste, elle a participé à des expositions collectives à Montréal et à des publications internationales. Elle anime régulièrement des ateliers de collage-poésie et fait de l’accompagnement en créativité. En 2024, elle a lancé l'oeuvre hypermédiatique AV POESIA (avpoesia.com), que vous pouvez utiliser en classe! Elle s’intéresse, autant dans l’écriture que dans sa pratique artistique, au quotidien, à la mémoire, au désir et à la vulnérabilité. Elle habite Montréal.
Entrevue
Oui, je lisais de la poésie, d’ailleurs je lisais de tout, j’étais une véritable machine à engouffrer les livres ! Ma mère disait à la blague que la bibliothèque municipale de ma ville natale (St-Eustache dans les Laurentides) devait commander de nouveaux livres, car j’avais tout lu. Je lisais beaucoup de théâtre (les pièces de Molière ou Cyrano de Bergerac), mais quand j’ai découvert Rimbaud en 4e secondaire, ce fut le coup de foudre. J’ai beaucoup lu les poètes français des XIXe et XXe siècles : Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Apollinaire et Prévert. J’appréciais aussi leurs poèmes mis en musique par les grands chansonniers : cela mettait de l’avant le rythme et les sonorités des textes. Les grandes émotions de ces textes faisaient écho à tout ce que je vivais, adolescente. J’ai appris par cœur le poème « Il n’y a pas d’amour heureux » d’Aragon il y a 30 ans et je crois encore pouvoir le réciter de mémoire. Je recopiais les vers de ces poètes dans des cahiers, ou même sur les murs de ma chambre. À l’université, j’ai découvert les poètes québécois contemporains. Notre poésie est très riche, je ne me lasse jamais de lire Gaston Miron, Louise Warren, Pierre Nepveu, Martine Audet, Benoit Jutras, pour n’en nommer que quelques-un·es.
Quand j’étais en première ou deuxième secondaire, j’ai participé à un concours du Journal de Montréal, et on a publié mon texte, un pastiche d’une fable de La Fontaine. Ce fut ma première publication, mais je ne me considérais pas pour autant comme une poète ! J’ai écrit beaucoup de (mauvaise !) poésie au secondaire, mais je pense que c’est le bon moment pour utiliser la poésie afin de mieux comprendre toutes les vagues d’émotion qui nous assaillent à cet âge. Puis j’ai arrêté d’écrire de la poésie, et j’ai écrit de la fiction et ce n’est que dans la trentaine que le désir d’écrire de la poésie m’est revenu. Je crois que même lorsque j’ai publié mon premier poème dans une revue littéraire, je ne me considérais pas encore comme poète. Il a fallu que je publie mon premier recueil, en 2013, pour me dire poète. C’était un travail d’acceptation. À rebours, je peux dire que je suis poète depuis toujours, seulement par la façon dont j’observe le quotidien. Être poète, c’est une certaine façon de voir. Un peu différente. Un peu de biais.
Le travail des poètes est d’observer. Et de rapporter. Les poètes plongent et font remonter à la surface ce que les autres ne peuvent pas voir. Ils offrent leurs observations au monde.
Je choisirais « Lettre au Père Falaise », de Benoit Jutras. Parce que c’est fort, ça brasse, c’est puissant et délicat à la fois. Parce que ce poème me remue, et que c’est, selon moi, la plus grande qualité d’un poème !