Hypothèque

Tu retiens mon souffle
Dans ta poche
Et jamais je n’arrive à le reprendre
Alors que je cours à gauche à droite
Que je monte au plafond
À seulement 7 pi, c’est facile
J’eus un royaume
J’ai maintenant un demi-sous-sol

Mais toujours la même hypothèque à payer

Je recueille les pensées que tu n’as pas
Dans ma tête à moi
Je pense à tout
Même à toi
Tu ne me laisses jamais évacuer le trop-plein
Alors que tu as la tête vide
Que tu ne penses jamais à moi
Que tu ne m’aimes pas
Je trouvais ça si romantique

Notre premier appart ensemble le fut aussi

Tu n’entends pas comme tu sonnes faux
Comme tu sonnes fou
Et pourtant tu t’écoutes parler
À longueur de journée
Puis tu hurles toute la nuit
On ne s’entend plus penser
On ne s’entend plus tout court
C’est peut-être pour ça que tu cries

C’est taxant, mais ça ne paye pas les impôts

Alors je prie
Pour que personne ne t’entende
Tu te moques de mes prières
Toi tu ne crois en rien du tout
Surtout pas en moi
Tes mains ne se joignent pourtant que sur mon cou
Alors des fois
Je prie pour que quelqu’un t’entende

Je prie aussi la banque pour un meilleur taux

Tu peux prendre mon pouls
Sur ton poignet à toi
Car j’ai le cœur au bord des lèvres
Tu le saurais si tu m’embrassais
Parfois j’ai peur qu’il s’arrête
Peur de finir comme toi
Mais surtout
Peur que les enfants finissent comme toi

Violents

Ce poème est le gagnant du Prix mensuel VOICES/VOIX d'octobre. Voici ce que notre éditeurice Laura Doyle-Péan en a pensé : 

 

« tu retiens mon souffle / dans ta poche »

Dès les premiers vers, j'ai été frappé·e par la force des images peintes par Manouan, dans ce texte qui explore la violence physique et émotionnelle à l'intérieur d'une relation. Un usage judicieux des répétitions permet d'exposer le caractère insidieux et cyclique de cette violence, et l'anxiété financière ainsi que la charge mentale énorme pouvant être vécues par les victimes-survivant·es de violences domestiques.

Si vous vous reconnaissez ou reconnaissez un·e de vos proches dans ce texte, n'hésitez pas à faire appel sans frais à SOS violence conjugale au 1 800-363-9010 ou en ligne au https://sosviolenceconjugale.ca/fr.

 

Portrait du gagnant

Manouan Arabel Boissonnault Émond (MABE)

Année: 5e secondaire / 11e année
École secondaire publique de La Salle
Ottawa, ON

« C’est un poème que j’ai écrit en essayant de faire quelque chose de complètement différent, de prendre une perspective qui n’était pas la mienne, mais celle de quelqu’un proche de moi. »

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