CHOIX DU PUBLIC
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fouiller ouvrir les conserves les bocaux les boîtes de métal se gaver s’étouper fruitages fraises et rhubarbe groseilles et noisettes beurre d’érable compote de pommes gelée de roses pain perdu sucre à la crème cassonade sucer ses doigts lécher…
J’écris une lettre
au pays de l’enfance
l’odeur du parent aimé
l’accent du village qu’on ne perd jamais
je marche avec une aube pointue
une allure de chien errant traversant l’autoroute
Ma mère m’a portée dans un ventre
jeune et ferme que je ne
reconnais pas
j’oublie aussi vite
que j’assimile
on dit tu n’écoutes pas
tout fond comme un buvard
quand on pousse la porte
quand on sort enfin de l’ombre
collée à la peau
on trouve sous nos pas
ce qu’il faut de clarté pour avancer
l’espace est immense
Parfois le silence est tellement tout
qu’on imagine la vie avant le langage
et un fond de poussière
en dedans de nous
le même fond gris
qui ralentit le trait
et nous fige dans cette masse
Grande main qui pèse sur nous
grande main qui nous aplatit contre terre
grande main qui nous brise les ailes
grande main de plomb chaud
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d’univers
ma danse carrée des quatre coins d’horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
tout s’incarne difficilement en moi alors que je voudrais surtout écrire de beaux mots, en rose saumoné, et m’en faire des costumes dans lesquels je disparaîtrais enfin, reproduction de cette petite fille noyée sous les manteaux de fourrure des…
Tu t’appuies contre la porte devant moi,
Grand, non rasé, bras ballants,
Un sac de voyage trop ample à tes pieds.
Je fixe la planche à repasser, incapable
Antichambre 4
un froissement d’aile
sans avertissement
l’oiseau se heurte aux carreaux de la fenêtre
son bec ses griffes
martèlement
La faim me réclame, la faim incommensurable,
la faim excitée par le flottement continu
des étoiles. Elle vient, ma faim, empourprer
mes veines afin de dessiner le bonheur
après la tristesse. Mais le bonheur comme
Ma famille
est une maison est une chambre
où dormir la lumière allumée
je baigne
dans le nid humide de ses soifs
l’avale
avec d’idiotes petites attentions
dans la chambre
porte entrebâillée
un courant d’air
nous rassemblons
nos cailloux
nos vêtements
nos incarnations
— dans nos poches
des miettes de pain
il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
au matin le même tiraillement
le même hibou momifié dans la poitrine
une soif lancinante la tenaille
ça enfle et monte
se loger dans les capillaires
dans les villosités
à la racine des cheveux
j’éteins les sources d’images, j’éteins les chutes, j’éteins les arbres, j’éteins les crayons sur la table, j’éteins l’eau dans l’évier et la lumière par la fenêtre / j’allume la chaleur autour des corps, j’allume les petits poumons invisibles…
Pour Alanis, ma mère
Un soir de pleine lune,
la mère de tant d’enfants
redonne espoir
à un enfant
une image donne
une multitude de couleurs
Des pansements à terre / du sang sur les parois / des douleurs aphones dans la chaleur des crèmes réparatrices et des huiles de massage / cicatrices veuves de bandage / le projecteur noir de la mort s’ouvre sur une fesse pliée et tendue / un rond…
Prends la route qui mène vers l’appartement où tu es née – à ton arrivée tu remarques la porte rouge ouverte tu montes les escaliers reconnais les pièces où tu as grandi la chambre de tes commencements tes mains allègres emballent ta…
Des lignes de craie blanche
Sur le trottoir tracées
Dessinent clairement
Le corps de la danseuse tuée
Au delà des nuages
En dépit des ordres contraires
De la mort sévère
I
DANSER l'air
et ses proies SANS CORPS
II
à voir le sol
et la chevelure plus longue que tourment cette chevelure chevaline coup d’épaule de rein tour de cou de bras tu danses à côté tu sautes hennis tu marches galopes tu regardes l’estrade la scène les yeux par milliers figés je dis : the eyes!…
Je ne dis rien, je ne dis rien et tout le monde comprend. Tout le monde a un corps. Les aveugles. Les infirmes. Les morts. Je danse. Couvre ta gorge, tu vas finir par prendre froid.
la cruauté de la vase la rivière
jusqu’aux genoux ça passait
à courant rapide
ça passait la main sur la bouche comme ça
à même la source un peu plus limace
à chaque respiration un peu plus floppée
Nous nous ossifions comme un béluga. Une expérience de soleil privé. Ce qui réduit l’élan de l’oubli. Il nous revient de tout recommencer. Comme si la personne ne se marcottait pas, elle aussi.
Ce matin, je me lève avant toi comme tous les matins pour ma tasse de silence. Les barrières tombent toutes. Je voyage — cinq outardes fendent les eaux.
Je viens comme une mante religieuse
dévorer le sur-mâle le héros le surhomme
et aspirer ta hache de guerre ô homme
j’ai la démarche effrontée des pécheresses
mes vastes hanches sont les berceaux
Quand je serai très vieuxDemain peut-êtreQuand l’ange tournera discrètement la page inachevéeQuand j’aurai fini de traquer les motsDéfaillant d’en avoir tant mis sur la pageQuand viendra le temps de partir
Les fleurs ne s’attendent à rien. Je les arrose quand même tous les matins. Le geste suffit.
Un jour viendra où je n’aurai besoin de rien.
L’ensemble de mon avoir pourra tenir dans une seule phrase.
Depuis les premiers mots
lorsque avec peine j’apprenais
à occuper l’espace
inlassablement je repasse dans mes pas
je voudrais voir la mer
un jour d’été je rêve
de roches sur la terre
d’outardes sur le gazon
c’est beau en bicyclette croiser
des écureuils blancs
c’est beau
la pluie tombe
elle m’a regardée un bon moment de loin
pour mieux me dire
ma fille
elle m’a caressé le bras
tout doucement
elle m’a coloré la peau
je n’ai pas compris comment
elle a fait ça
Retrouve-moi à Montréal
mais ne viens pas sans prévenir
ne viens pas découvrir ma tête rasée
les encres, le métal
que j’ai calqués aux femmes-hiver
retrouve-moi mais ne regarde pas ce que j’ai semé
les enfants demandent une consolation
pour le premier arrachement
du lait chaud ou ta peau
mousse mémoire de leurs joies
tu leur offres une attention – t’alignes
vers ton devenir animal
lorsque je te dessine
je se dépose
emploie la cuisine le salon
pour ce que je voudrais multiplier
tu portes habits d'étincelles
sur la pointe des pieds
La déferlante du deuil ne se relâche pas. La stopper. Revisiter la vie et
mon regard sur elle. M'enthousiasmer pour elle. L'occuper jusque dans
Tu es comme toutes ces mères qui ont toujours
protégé leurs petits, les ont nourris, léchés,
éduqués, dévorés devant les prédateurs.
Tu voudrais ressusciter ta lignée d'ancêtres
Je stationne mes Dinky Toys dans
le hangar sous le lit et je m'assois
à la table.
Je mange comme un ange
les ailes en bavettes sur les
genoux.
Ma mère me regarde
ses yeux en lunettes sur son
Il n’était pas une fois,
Mais c’était bien toi et moi, aux antipodes de l’époque des
Oiseaux messagers, des troubadours et des chansons
de geste
Il n’était pas une joie non plus
Il me semble que la poésie agit
à partir du corps puis de la tête
de la mémoire des bandes dessinées
ou de l’eau salée avalée
en sautant dans la rivière de mon enfance
il me semble que ça parle
J’habite un cri de terre aux racines de feu
Enfouies sur les rochers de solitudes
J’ai creusé lentement les varechs terribles
D’une amère saison de pluie
Comme au coeur du crabe la soif d’étreindre
je lave les draps
j’avale un repas grisâtre
je tire un ami d’une poubelle
je dépose les légumes
sur le plancher de la chambre
je m’écroule dans le lit
et n’en sors plus
je veux des rencontres
Quelqu'un finit toujours par me dire
T'es pas rendue trop grande
pour ça ?
Comme s'il y avait un âge limite pour
jouer
niaiser
ne rien faire
moi mon allure est plus régulière que je ne le suis.
Préférer écrire la topographie toute pittoresque du
troisième rang. Dire exactement, décrire la grange
flashbacks
à perpétuité
la mémoire est une corde
de bois d'allumage
la prison d'origine
l'armure d'écorce
je me pars une collection
de barreaux
sciés
Le peintre suit le pinceau abstrait de la neige
ses leçons de regard
la lente floraison
allons dehors
soyons droits
mettons fin à la parole
tu sombres
dans un lent rêve
au goût métallique
ton dos t’abandonne
tes vertèbres
une à une
s’envolent
à leur place
des biscuits chinois